Réparation des troubles de jouissance : le juge est souverain
Le juge, qui constate l’existence de troubles de jouissance subis par un locataire, apprécie souverainement les mesures propres à les faire cesser en faisant injonction à leur auteur de procéder à des travaux.
 
                            Par cet arrêt de rejet, la Haute juridiction réaffirme que le juge est souverain dans le prononcé des mesures de nature à réparer des troubles de jouissance.
Dans cette affaire, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) avait consenti à une société d’économie mixte (SEM) une promesse de bail à construction portant sur deux volumes immobiliers destinés à accueillir quarante logements et, par convention de réservation, la SEM avait attribué à l’AP-HP un droit de priorité sur vingt logements destinés à ses personnels.
Bénéficiaire d’un droit au bail sur plusieurs logements, l’AP-HP en a sous-loué un certain nombre.
Nuisances sonores
Parmi les (sous-) locataires, l’un d’entre eux a poursuivi l’AP-HP à raison du trouble de jouissance qu’il ressentait du fait de l’installation de la chaufferie de l’immeuble en dessous de son appartement. On rappellera qu’en vertu de l’article 1719 du code civil, le bailleur est, notamment, tenu de faire jouir paisiblement le preneur des lieux pendant la durée du bail.
Le demandeur entendait ainsi obtenir la condamnation de son bailleur à réaliser les travaux nécessaires à la cessation du trouble.
L’AP-HP a alors appelé la SEM en intervention forcée et c’est celle-ci qui, en sa qualité de propriétaire, a seule été condamnée en appel à faire réaliser des travaux de déplacement de la chaufferie dans le local électrique situé sous le vestiaire du personnel de la maison de retraite (Versailles, 28 juin 2022, n° 21/02618, Dalloz jurisprudence).
Modalités d’exécution
La SEM s’est alors pourvue en cassation, non pas aux fins d’échapper au principe de sa condamnation, mais au motif que « le débiteur d’une obligation ne peut se voir imposer les modalités d’exécution de celle-ci ».
Elle n’obtient pas gain de cause, les magistrats du quai de l’Horloge estimant que « le juge [du fond], qui constate l’existence de troubles de jouissance subis par un locataire, apprécie souverainement les mesures propres à les faire cesser en faisant injonction à leur auteur de procéder à des travaux ».
Ce faisant, la Cour se conforme à sa jurisprudence bien établie.
C’est ainsi qu’en 1983, elle a été amenée à préciser, à propos de l’indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation ayant entraîné une incapacité de travail que « les juges du fond apprécient souverainement les divers chefs de préjudice qu’ils retiennent et les modalités propres à en assurer la réparation intégrale » (Civ. 2e, 11 juill. 1983, n° 82-12.590, Dalloz jurisprudence). En 2010, elle n’a pas affirmé autre chose, en jugeant, que c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain que les juges du fond procèdent à l’évaluation du préjudice subi par le propriétaire d’un tableau classé d’office comme œuvre d’art (Civ. 1re, 20 févr. 1996, n° 94-17.029, AJDA 1996. 459  , note P.-L. Frier
, note P.-L. Frier  ; D. 1996. 511
 ; D. 1996. 511  , note B. Edelman
, note B. Edelman  ).
).
La rédaction remercie M. l’avocat général Bruno Sturlèse pour la communication de son avis.
Civ. 3e, 13 juin 2024, FS-B, n° 22-21.250
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