Reprécisions des conditions de validité d’une rupture amiable s’inscrivant dans le cadre d’un PSE

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord amiable intervenu dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires, soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement.

Il avait pu être jugé, dans le contexte d’une rupture de contrat liée à un plan de départ volontaire adossé à un PSE que la cause de la rupture du contrat de travail ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement, lorsque la résiliation résulte de la conclusion d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un accord collectif soumis aux représentants du personnel (Soc. 8 févr. 2012, n° 10-27.176, FS-P+B, Dalloz actualité, 1er mars 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 559 ; RDT 2012. 220, obs. F. Géa ). C’est ce que vient de rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 juin 2024.

En l’espèce, un groupe avait présenté au comité d’entreprise de l’une de ses filiales un document d’information sur le projet de reconversion/fermeture d’un site dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Un document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mixte a ensuite été soumis à la Direccte, laquelle l’a homologué.

Successivement, vingt-six salariés non-cadres ont formé un recours devant les juridictions prud’homales après avoir signé une convention de rupture amiable pour motif économique, contestant notamment ledit motif économique.

Les juges du fond accueillirent favorablement les demandes, de sorte que l’employeur porta l’affaire en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation va, au visa des articles 1101 et 1103 du code civil, L. 1221-1 et L. 1233-3 du code du travail (dans sa rédaction issue de l’ord. n° 2017-1387 du 22 sept. 2017), casser la décision du fond.

Rappelons à ce titre que le code civil définissant le contrat comme un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations, les contrats légalement formés tenant alors lieu de loi à ceux qui les ont faits. Or, dans le même temps, l’article L. 1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.

L’éminente juridiction va déduire d’une lecture combinée de ces textes que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord amiable intervenu dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires, soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement.

Ce principe fort va alors conduire les hauts magistrats à évincer le raisonnement des juges du fond qui mettaient en exergue le fait que la convention de rupture amiable entrant dans le dispositif applicable aux licenciements pour motif économique, l’employeur devait établir l’existence d’un motif économique licite.

Pour l’éminente juridiction, le constat que la rupture du contrat de travail résultait de la conclusion d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un plan de sauvegarde de l’emploi, suffit à considérer, sauf fraude ou vice du consentement, que la cause de la rupture ne pouvait être contestée.

Cette solution ne surprend pas et s’inscrit dans le prolongement de positions prises par la chambre sociale de la Cour de cassation, tant à propos de la rupture conventionnelle (Soc. 9 mai 2019, n° 17-28.767, Dalloz actualité, 2 juill. 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 1053 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ; JA 2020, n° 613, p. 40, étude P. Fadeuilhe ), que du plan de départ volontaire (Soc. 8 févr. 2012, n° 10-27.176, préc.).

Elle vient ainsi renforcer le lien qu’entretient le droit social avec le droit commun, d’ordinaire beaucoup plus timoré tant sont nombreux les régimes propres à chacun des modes de rupture du contrat de travail salarié. Le principe de force obligatoire du contrat au sein du droit des ruptures amiables s’en voit recentrer. Dès lors que la rupture est consentie par les deux parties et que les formes prescrites ont été respectées (dont l’absence de vice du consentement et l’absence de fraude), il apparaît aujourd’hui difficile de remettre en cause l’acte conclu.

On pourra s’offusquer du fait que la démonstration d’une cause économique réelle et sérieuse apparaît, sous cet angle, totalement évincée. L’on rappellera toutefois que cette dernière exigence n’est formellement exigée que pour le licenciement. Les plaideurs pourront alors, s’ils entendent remettre en cause la licéité d’une rupture amiable tirée d’un plan de départ volontaire, conduire l’argumentaire selon lequel la rupture amiable a été frauduleusement conclue pour éviter les règles inhérentes à un licenciement économique.

 

Soc. 26 juin 2024, FS-B, n° 23-15.498

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