Représentativité syndicale : indifférence du non-respect de la règle de représentation hommes/femmes

L’annulation de l’élection d’un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévues à l’article L. 2314-30 du code du travail est sans effet sur la condition d’audience électorale requise par l’article L. 2122-1 du même code pour l’acquisition de la qualité de syndicat représentatif.

Il en va de même lorsqu’est en cause l’élection du seul candidat figurant sur une liste ne respectant pas les règles de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

La Cour de cassation avait récemment été amenée à statuer sur une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à propos des dispositions de l’article L. 2314-32 du code du travail, qui l’avait alors conduit à refuser le renvoi au Conseil constitutionnel, considérant que le législateur n’avait pas porté atteinte au principe d’égalité devant la loi puisque la sanction est appliquée de la même manière à tous les syndicats placés dans la même situation ; par ailleurs, le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre les exigences de l’alinéa 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et celles des alinéas 6 et 8 de ce Préambule en choisissant – en cas d’irrégularité de la liste de candidats pour non-respect de la règle de la parité – de ne pas remettre en cause la qualité représentative des organisations syndicales leur permettant d’accéder à la négociation collective, notamment des conditions de travail des salariés de l’entreprise (Soc., QPC, 10 oct. 2023, n° 23-17.506 B, RJS 12/2023, n° 657). L’épisode final du contentieux dans lequel cette QPC avait été formulée s’incarne dans l’arrêt rendu le 9 octobre 2024 par la chambre sociale de la Cour de cassation saisie cette fois du pourvoi.

En l’espèce, un GIE et un syndicat avaient signé un protocole d’accord préélectoral en vue du renouvellement de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE), prévoyant notamment que les proportions de femmes et d’hommes étaient respectivement de 70,24 % et 29,76 % dans le premier collège, trois sièges étant à pourvoir.

Le syndicat a adressé au GIE au titre des « candidatures CFE-CGC pour le premier tour des élections du CSE du GIE Alliance gestion » pour le premier collège la candidature unique d’une salariée en qualité de titulaire et suppléante.

Le GIE a contesté la conformité de cette liste aux dispositions légales sur la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes en demandant à l’organisation syndicale de modifier sa liste ou de la retirer. Le syndicat a toutefois maintenu sa liste.

À l’issue du premier tour du scrutin, alors que le quorum n’a pas été atteint, la salariée, qui était la seule candidate, a obtenu 100 % des suffrages valablement exprimés. Elle a été élue en qualité de titulaire au second tour, où elle s’était présentée comme candidate libre.

Le GIE a alors saisi le tribunal judiciaire aux fins de juger que la liste de candidats présentée par le syndicat au premier tour des élections professionnelles organisées pour le premier collège, non-cadres, était irrégulière au regard des règles relatives à la représentation équilibrée des hommes et des femmes et à l’interdiction de présenter un unique candidat si plusieurs sièges sont à pourvoir et demandé en conséquence que ce syndicat soit jugé non représentatif et que les élections professionnelles soient annulées.

Le tribunal a toutefois débouté le GIE de l’ensemble de ses demandes principales, dont celle de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 2314-30 du code du travail.

À l’occasion du pourvoi formé contre ce jugement, le GIE avait, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 2314-32 du code du travail, qui ne prévoient comme sanction du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2314-30 du même code que la simple annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter, portent-elles atteinte, en ce qu’elles ne prévoient pas l’annulation des élections même lorsque l’irrégularité dans le déroulement des élections née de la présentation par une organisation syndicale d’une liste de candidats ne répondant pas aux exigences d’ordre public de l’article L. 2314-30 a été déterminante de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise, au principe résultant de l’article 34 de la Constitution selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit, en l’occurrence le droit des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et le principe d’égalité tels que garantis par les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 1er, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ? ».

La Cour de cassation avait alors indiqué, par un arrêt du 10 octobre 2023, qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC.

Une appréciation de la représentativité confirmée

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi contre la décision du tribunal va, au terme d’un raisonnement en deux temps, rejeter le pourvoi et valider le raisonnement tenu par les juges du fond.

Il faut en effet rappeler que, dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au CES, quel que soit le nombre de votants (C. trav., art. L. 2122-1).

L’éminente juridiction va, en outre, rappeler que la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2314-30 entraîne la seule sanction de l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter et que, l’annulation, en application des dispositions de l’article L. 2314-32 du code du travail, de l’élection d’un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévues à l’article L. 2314-30 du même code est sans effet sur la condition d’audience électorale requise par l’article L. 2122-1 du même code pour l’acquisition de la qualité de syndicat représentatif (C. trav., art. L. 2314-32).

Sous cet angle, le raisonnement conduit par le tribunal consistant à rejeter la demande d’annulation du premier tour des élections et consécutivement du score électoral du syndicat, ainsi que la demande d’annulation des élections apparaissait appropriée.

La solution retenue par la chambre sociale procède d’une interprétation restrictive de l’étendue de la nullité prévue par l’article L. 2314-32 du code de travail. L’annulation de l’élection d’un candidat du fait du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévue par l’article L. 2314-30 ne doit pas être confondue avec le cas de nullité de l’élection professionnelle dans son ensemble. L’audace de la position tient ici au fait qu’une seule candidate s’était présentée dans le collège, ce qui pouvait laisser place au doute quant à une éventuelle contamination de l’élection dans sa globalité et de ses conséquences en termes de représentativité syndicale.

Cette décision s’inscrit toutefois en cohérence avec la jurisprudence antérieure conduisant à considérer que ce cas de nullité n’a pas d’effet rétroactif. Il avait en effet déjà été jugé que l’annulation pour non-respect des règles de représentation équilibrée sur les listes de candidats de l’élection de candidats aux élections des membres du CSE était sans incidence sur la représentativité des organisations syndicales, laquelle est fonction du pourcentage des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires à ce comité (Soc. 1er juill. 2020, n° 18-14.879, RJS 7/2020, n° 487). De même, avait-il été déjà jugé que l’annulation de l’élection d’un élu surnuméraire du sexe surreprésenté ne fait perdre au salarié élu son mandat de membre du CSE qu’à compter du jour où elle est prononcée et reste sans incidence sur sa candidature aux élections professionnelles (Soc. 30 sept. 2020, n° 19-15.505 P, Dalloz actualité, 26 oct. 2020, obs. L. Malfettes ; RJS 12/2020, n° 607 ; JCP S 2021. 1004, obs. Y. Pagnerre).

 

Soc. 9 oct. 2024, F-B, n° 23-17.506

Lefebvre Dalloz