Reprise de la dette de remboursement d’un prêt par le repreneur : quel effet pour les cautions solidaires de l’emprunteur initial ?
Le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l’ouverture du redressement judiciaire de l’emprunteur n’est pas un contrat en cours et ne peut donc être cédé au titre des contrats visés à l’article L. 642-7 du code de commerce. L’engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l’emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l’emprunteur demeure tenue de garantir l’exécution de ce prêt.
 
                            
La situation des cautions garantissant les engagements d’un débiteur placé en procédure collective interroge toujours, notamment après l’arrêté d’un plan de cession lorsque celui-ci prévoit la reprise des engagements du débiteur-cédant par le repreneur. Le présent arrêt qui a les honneurs de la publication au Bulletin met une nouvelle fois l’accent sur cette problématique.
En l’espèce, une banque consent à une société deux prêts garantis par deux cautions solidaires. La société débitrice est placée en procédure de sauvegarde convertie ensuite en liquidation judiciaire. La banque déclare sa créance au passif et un plan de cession totale des actifs est arrêté. La société cessionnaire qui s’est engagée à reprendre le remboursement des prêts est défaillante dans l’exécution de cet engagement. Elle est condamnée, ainsi que les cautions solidaires, au règlement du solde des prêts. La difficulté surgit lorsque la société cessionnaire se trouve elle-même placée en procédure collective et que la banque fait l’erreur de déclarer tardivement sa créance au passif de cette procédure. Pour échapper à l’inopposabilité de sa créance, la banque forme une demande en relevé de forclusion devant le juge-commissaire, lequel rejette sa demande et refuse d’admettre la créance au passif. La banque délivre alors aux cautions solidaires un commandement aux fins de saisie immobilière puis les assigne devant un juge de l’exécution.
Les cautions obtiennent gain de cause devant les juges du fond qui annulent le commandement de payer valant saisie au motif que la créance de remboursement garantie par les deux cautionnements est éteinte dès lors que le juge-commissaire ne l’a pas admise au passif de la procédure collective ouverte contre la société cessionnaire. La banque forme un pourvoi en cassation en arguant que la non-admission de la créance au passif n’a pas eu pour effet d’éteindre l’obligation de l’emprunteur et que, partant, les cautions demeurent tenues de rembourser l’intégralité de l’emprunt, dans les mêmes conditions que celui-ci.
Le fait que le contrat garanti soit un contrat de prêt consenti par un professionnel du crédit avant le jugement d’ouverture de l’emprunteur est ici un élément déterminant justifiant le maintien de l’engagement des cautions. Selon une jurisprudence bien connue, le prêt accordé par un établissement de crédit avant l’ouverture de la procédure collective de l’emprunteur n’est pas un contrat en cours et ne peut donc être cédé dans le cadre d’un plan de cession. Il est ainsi exclu du champ des contrats cessibles visés à l’article L. 642-7 du code de commerce (Com. 9 févr. 2016, n° 14-23.229, Dalloz actualité, 17 févr. 2016, obs. A. Lienhard ; RTD civ. 2016. 369, obs. H. Barbier  ; RTD com. 2016. 554, obs. A. Martin-Serf
 ; RTD com. 2016. 554, obs. A. Martin-Serf  ; Gaz. Pal. 12 avr. 2016, n° 14, p. 72, note E. Le Corre-Broly ; ibid., n° 23, p. 33, note M.-P. Dumont-Lefrand ; BJE 2016. 175, note F. Reille ; JCP E 2016. 1280, note T. Stefania ; RPC 2016. Comm. 85, note J.-J. Fraimout). Le professionnel du crédit se trouve ainsi dans une situation différente de celle du cocontractant dont le contrat est cédé judiciairement. En effet, alors que le débiteur-cédant se trouve libéré pour l’avenir lorsqu’un contrat à exécution successive est cédé au repreneur, dans la mesure où le passif est né après le plan de cession, il n’est en revanche point déchargé de la dette de remboursement du prêt qui est née dans son intégralité avant le jugement d’ouverture. Ainsi, lorsque le cessionnaire entend reprendre le remboursement des prêts, il devient débiteur des échéances à échoir, sans pour autant que l’emprunteur initial et les cautions garantissant le prêt en soit libérés. La reprise du prêt n’emporte pas novation par substitution de débiteur mais adjonction d’un second débiteur, en la personne du repreneur.
 ; Gaz. Pal. 12 avr. 2016, n° 14, p. 72, note E. Le Corre-Broly ; ibid., n° 23, p. 33, note M.-P. Dumont-Lefrand ; BJE 2016. 175, note F. Reille ; JCP E 2016. 1280, note T. Stefania ; RPC 2016. Comm. 85, note J.-J. Fraimout). Le professionnel du crédit se trouve ainsi dans une situation différente de celle du cocontractant dont le contrat est cédé judiciairement. En effet, alors que le débiteur-cédant se trouve libéré pour l’avenir lorsqu’un contrat à exécution successive est cédé au repreneur, dans la mesure où le passif est né après le plan de cession, il n’est en revanche point déchargé de la dette de remboursement du prêt qui est née dans son intégralité avant le jugement d’ouverture. Ainsi, lorsque le cessionnaire entend reprendre le remboursement des prêts, il devient débiteur des échéances à échoir, sans pour autant que l’emprunteur initial et les cautions garantissant le prêt en soit libérés. La reprise du prêt n’emporte pas novation par substitution de débiteur mais adjonction d’un second débiteur, en la personne du repreneur.
La Cour de cassation ne s’y est pas trompée dans son arrêt du 2 juillet 2025. Après avoir rappelé la règle selon laquelle l’engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l’emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, elle en fait une application au cas d’espèce. Elle affirme à juste titre que le rejet de la créance de la banque au passif du redressement judiciaire du repreneur n’emporte pas extinction de l’obligation de l’emprunteur initial qui reste tenu, comme les cautions en raison de l’absence de novation par substitution de débiteur. Sans le dire explicitement, la Haute juridiction ne fait que tirer les conséquences de la qualification juridique de cession de dette imparfaite ou cumulative que l’on peut donner de la relation contractuelle liant l’emprunteur initial à la société cessionnaire. En effet, cette dernière prend à sa charge la dette de remboursement du prêt née du chef de l’emprunteur initial, lequel n’est pas libéré des échéances à échoir, à défaut d’accord exprès de la banque.
Pour aller plus loin, on pourrait toutefois se demander si la solution aurait été la même en toutes hypothèses, notamment si la société cessionnaire n’avait pas déclaré tardivement sa créance et que le juge-commissaire, statuant sur les créances à vérifier, l’avait rejetée. Dans ce cas de figure, la situation est différente en ce que la décision du juge-commissaire constate que la créance n’existe pas (F. Pérochon et alii, Entreprises en difficulté, 12e éd., LGDJ, 2024, n° 2944, p. 1215). Il statue sur le fond de la créance déclarée, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce puisque le refus d’admettre la créance au passif a été décidé par le juge-commissaire dans le cadre d’une action en relevé de forclusion menée par le créancier. Au cours de cette action, le juge-commissaire n’a statué ni sur l’existence, ni sur la nature ni sur le montant de la créance. Par conséquent, la créance non admise au passif de la procédure collective du repreneur n’avait pas à libérer l’emprunteur initial de son obligation de remboursement du prêt. La décision de rejet de la créance déclarée aurait au contraire emporté l’extinction de la créance de remboursement (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 13e éd., Dalloz Action 2025/2026, n° 682.71) et, partant, la libération de l’emprunteur initial et des cautions garantissant cette créance. En effet, dans la cession de dette imparfaite, le cédant et le cessionnaire sont solidairement tenus de la dette (C. civ., art. 1327-2) et peuvent ainsi opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette (C. civ., art. 1328).
Conformément à cette règle, l’emprunteur initial aurait pu se prévaloir du rejet de la créance déclarée pour échapper à son obligation de remboursement du prêt et permettre ainsi aux cautions d’être libérées par voie accessoire de leurs engagements. Tel n’était pas le cas en l’espèce, dans la mesure où la non-admission de la créance au passif ne constituait qu’une exception personnelle au cessionnaire que l’emprunteur initial et les cautions ne pouvaient invoquer à leur profit.
Com. 2 juill. 2025, F-B, n° 24-13.481
par Diane Boustani-Aufan, Maître de conférences à l’Université Côte d’Azur, Codirectrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté
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