Requalification de CDD successifs et effets d’une transaction

La transaction ayant pour objet de mettre fin à tout litige né ou à naître entre les parties et indiquant qu’elles se déclarent remplies de l’intégralité de leurs droits, interdit à une requalification des contrats à durée déterminée conclus entre les parties en contrat à durée indéterminée de remonter au-delà du premier contrat conclu postérieurement à la transaction.

Il était jugé pendant longtemps que la transaction n’a de portée qu’en ce qui concerne les éléments qu’elle mentionne implicitement ou explicitement (Soc. 21 mars 2000, n° 97-44.103, D. 2000. 145, et les obs. ; Dr. soc. 2000. 795, obs. J. Mouly ; RJS 5/2000, n° 535), avant un revirement opéré par la chambre sociale du 5 novembre 2014 reconnaissant les effets d’une transaction libellée en des termes généraux, admettant que le salarié se borne à déclarer « n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur » à « quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail » (Soc. 5 nov. 2014, n° 13-18.984, confirmé depuis lors, Soc. 17 févr. 2021 n° 19-20.635 P, D. 2021. 354 ; ibid. 2203, obs. Centre de droit économique et du développement Yves Serra ; Dr. soc. 2021. 371, obs. J. Mouly ; ibid. 510, étude C. Radé ). L’effet extinctif de la transaction n’en est toutefois pas pour autant devenu absolu, ayant été jugé que la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction (Soc. 16 oct. 2019, n° 18-18.287 P, Dalloz actualité, 13 nov. 2019, obs. D. Fallik ; D. 2019. 2044 ; Dr. soc. 2019. 1089, obs. J. Mouly ; ibid. 2020. 847, étude L. Bento de Carvalho et S. Tournaux ; RDT 2019. 804, obs. S. Mraouahi ).

Quid alors en matière d’action en requalification en CDI lorsqu’est intervenue une transaction au cours de la période visée par la demande ? L’arrêt du 8 octobre 2025 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation vient sur ce dernier terrain nous apporter la clef de lecture.

En l’espèce, un salarié chef monteur avait été embauché selon divers contrats à durée déterminée d’usage à compter du 1er décembre 2000 avec deux sociétés identifiées. Le terme du dernier contrat signé avec l’une était le 11 septembre 2016 et celui conclu l’autre le 17 août 2017.

Soutenant que ces deux entreprises étaient ses coemployeurs, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d’obtenir la condamnation de ces sociétés à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Les juges du fond le déboutèrent toutefois de ses demandes, de sorte qu’il forma un pourvoi en cassation.

La cour d’appel avait en effet requalifié le contrat de travail avec l’une des sociétés en contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 17 février 2014 seulement, le salarié n’ayant pas travaillé pour la société de juillet 2009 (date à laquelle les parties avaient transigé) à cette date.

Précision sur l’impact d’une transaction dans une chaîne de requalification de CDD en CDI

La chambre sociale, saisie du pourvoi, va valider le raisonnement, rappelant que les dispositions du protocole d’accord signé entre les parties prévoyaient que la transaction avait pour objet de mettre fin à tout litige né ou à naître entre les parties. Les parties s’étant déclarées remplies de l’intégralité de leurs droits à cette date et le salarié n’ayant exécuté aucune prestation de travail pour le compte de la société ensuite, les effets de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à l’égard de la société ne devaient pas remonter au-delà du premier contrat conclu postérieurement à la transaction.

Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence antérieure, faisant produire son plein effet à la transaction valablement conclue entre deux parties qui entendent éteindre tout litige né ou à naître entre les parties. Elle vient l’enrichir en y apportant une illustration de ses effets en matière d’action en requalification en CDI d’une succession de CDD.

Il eut été possible de s’interroger sur la portée de la stipulation visant « l’extinction des litiges à naître » si le salarié avait retravaillé pour le même employeur après la transaction. Peu de doute que celle-ci n’eut alors pas été de nature à faire échec à la requalification en CDI pour la période post transaction. Éteindre une action dont le fait générateur viendrait d’un contrat ultérieur et qui n’est pas encore matérialisé par l’effet d’une transaction étant a priori exclue, celle-ci visant des litiges dont le siège réside dans la relation contractuelle prétransactionnelle mais dont la saisine juridictionnelle n’interviendrait qu’après.

 

Soc. 8 oct. 2025, FS-B, n° 24-16.500

par Loïc Malfettes, Docteur en droit, Responsable RH et juridique

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