Responsabilité du syndic : le quitus, ce rempart relatif
Le copropriétaire, qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute.
 
                            Par cet arrêt de rejet, qui aura les honneurs du Bulletin, la Haute juridiction affirme que le quitus voté par l’assemblée générale des copropriétaires n’interdit pas à un membre du syndicat de rechercher la responsabilité du syndic à raison du préjudice personnel qu’il a subi.
Au cas particulier, en dépit de l’urgence de la situation (l’immeuble subissait d’importantes infiltrations), un syndic avait tardé à prendre les mesures qui s’imposaient.
En effet, alors qu’il avait été alerté de la gravité de la situation en 2010, ce n’est qu’en 2013 qu’il a saisi, pour avis, un architecte et un bureau d’études et qu’un étaiement a été posé (la même année, l’immeuble faisait l’objet d’un arrêté de péril imminent). Il a fallu trois longues années supplémentaires avant que le syndic n’inscrive les travaux à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires. Lesquels travaux n’ont été entrepris …. qu’en 2018.
Ayant subi un préjudice financier et un trouble de jouissance à la suite de cette inaction, un copropriétaire avait poursuivi le syndic en justice.
Après avoir été condamné en appel (Rouen, 12 oct. 2022, n° 21/01091, Dalloz jurisprudence), celui-ci a tenté de faire valoir devant la Haute juridiction :
- d’une part, que le quitus donné par l’assemblée générale de sa gestion interdisait au syndicat ainsi qu’aux copropriétaires ayant voté « pour » (dont faisait partie le copropriétaire qui entendait obtenir réparation) de rechercher la responsabilité du syndic eu égard aux faits ou actes portés à leur connaissance lors du vote ;
- d’autre part, que la preuve du lien de causalité direct et certain entre le retard du syndic et le préjudice du copropriétaire n’était pas établie.
Portée du quitus voté en assemblée générale
En réponse au moyen du syndic qui entendait opposer une fin de non-recevoir au copropriétaire ayant subi un préjudice à raison de son vote en faveur du quitus en assemblée générale, la Cour de cassation énonce que « le copropriétaire, qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute ».
Et la Haute juridiction de conclure que le juge d’appel a retenu « à bon droit » que le quitus était sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis du copropriétaire.
Ce faisant, la Cour transpose au cas d’espèce la jurisprudence affirmant que le vote du quitus n’interdit pas à l’un des copropriétaires pris individuellement ayant subi un préjudice personnel de rechercher la responsabilité du syndic (Paris, 21 févr. 1997, RDI 1997. 624, obs. P. Capoulade ; 13 oct. 1999, AJDI 1999. 1166  ; v. aussi, dans un domaine voisin, jugeant que l’approbation des comptes ne vaut pas approbation, par le copropriétaire concerné, de la position de son compte individuel, Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-19.961, AJDI 2020. 121
; v. aussi, dans un domaine voisin, jugeant que l’approbation des comptes ne vaut pas approbation, par le copropriétaire concerné, de la position de son compte individuel, Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-19.961, AJDI 2020. 121  , obs. N. Le Rudulier
, obs. N. Le Rudulier  ).
).
Le caractère attitré de l’action en contestation des décisions d’assemblée générale (aux seuls opposants et défaillants) n’est, bien évidemment, pas remis en cause.
On rapprochera cette décision d’une autre, rendue en 1994 par la même juridiction, cette fois, à propos de l’approbation des comptes, jugeant que, demeure recevable après l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d’approbation la demande d’un copropriétaire en rectification de comptes et restitution de sommes trop versées (Civ. 3e, 6 juill. 1994, n° 92-14.317, AJDI 1994. 925  , obs. C. Giverdon
, obs. C. Giverdon  ; RDI 1994. 694, obs. P. Capoulade
 ; RDI 1994. 694, obs. P. Capoulade  ; rappr. égal., l’art. 45-1 du décr. n° 67-223 du 17 mars 1967, réécrit en 2004, selon lequel, « l’approbation des comptes du syndicat par l’assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires »).
 ; rappr. égal., l’art. 45-1 du décr. n° 67-223 du 17 mars 1967, réécrit en 2004, selon lequel, « l’approbation des comptes du syndicat par l’assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires »).
Lien de causalité entre l’attitude du syndic et le préjudice du copropriétaire
Concernant le lien de causalité direct et certain entre le retard du syndic et le préjudice du copropriétaire, pour rejeter la prétention du demandeur, la Cour de cassation opère un contrôle léger de la décision du juge normand, estimant que celui-ci a pu déduire des circonstances de fait que la négligence du syndic était à l’origine du préjudice du copropriétaire.
Civ. 3e, 29 févr. 2024, FS-B, n° 22-24.558
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