Retour de congé maternité et déclenchement de la garantie d’évolution salariale
Sauf accord collectif plus favorable, les augmentations décrites à l’article L. 1225-26 pour le retour d’un congé maternité ne sont pas dues pour la période du congé lui-même, durant laquelle le contrat de travail est suspendu.
L’employeur n’étant tenu de les verser qu’à l’issue de ce congé et pour la période postérieure à celui-ci.
Les femmes salariées en congé maternité bénéficient d’une protection toute particulière en droit du travail, dont une composante importante touche à leur rémunération. Aussi, l’article L. 1225-25 du code du travail prévoit qu’à l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. L’article suivant prévoit encore qu’en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.
Le code précise toutefois que cette règle n’est pas applicable aux accords collectifs de branche ou d’entreprise conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Or, ces garanties sont-elles applicables dès le congé maternité, ou est-il nécessaire pour la salariée d’attendre la période postérieure à celui-ci pour profiter de leur application ? C’est à cette question que l’arrêt du 2 octobre 2024 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation apporte une réponse claire.
En l’espèce, une salariée avait été engagée par une fondation en qualité de chargée de développement, avant d’exercer les fonctions de directrice régionale, au statut de cadre.
La salariée ayant par la suite adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail a été rompu.
L’intéressée a ensuite saisi les juridictions prud’homales, soutenant avoir été contrainte de travailler pendant ses congés de maternité et de maladie et avoir été privée pendant la durée de son congé de maternité du bénéfice d’une augmentation de salaire accordée à l’ensemble des salariés, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes diverses, dont une demande de paiement d’un rappel de salaire et des congés payés afférents au titre de l’égalité de traitement et des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’une discrimination.
La salariée s’est vue déboutée par les juges du fond de ses demandes de communication de certaines pièces et en paiement d’un rappel de salaire et des congés payés afférents au titre de l’égalité de traitement et des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’une discrimination. Aussi s’est-elle pourvue en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation va valider en partie la solution trouvée par la cour d’appel, mais prononcer la cassation pour des considérations tenant à la procédure collective engagée par ailleurs contre l’employeur.
Une garantie d’évolution salariale ne jouant qu’au retour de congé maternité
La salariée invoquait en effet une discrimination salariale subie à l’occasion de sa maternité. L’employeur lui avait promis et accordé une augmentation de 300 € par mois à compter du 7 septembre 2015, alors qu’elle se serait vu refuser, pendant son congé maternité, ladite augmentation de 300 € qui lui avait été promise tandis que l’ensemble des salariés avait bénéficié d’une augmentation dès février 2015.
La chambre sociale va rejeter le raisonnement en fixant le principe en matière de garantie d’évolution salariale en cas de congé maternité.
Partant du constat, édicté par l’article L. 1225-4 du code du travail, que le contrat de travail est suspendu pendant le congé de maternité, les Hauts magistrats vont rappeler que le code prévoit que, en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées à l’article L. 1225-26, cette rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.
Les Hauts magistrats vont, par une lecture combinée des textes, affirmer le principe selon lequel, sauf accord collectif plus favorable, ces augmentations ne sont pas dues pour la période du congé de maternité, durant laquelle le contrat de travail est suspendu, l’employeur n’étant tenu de les verser qu’à l’issue de ce congé et pour la période postérieure à celui-ci.
Or en l’espèce l’augmentation de 300 € par mois promise par l’employeur avait été accordée à la salariée à compter du 7 septembre 2015, soit à la suite de son congé de maternité, de sorte que l’intéressée ne pouvait prétendre à un rappel correspondant à la rétroactivité de cette augmentation à la date où avait été constatée l’augmentation de ses collègues.
Cette solution est salutaire, car elle apporte une précision inédite à notre connaissance quant à l’interprétation de l’article L. 1225-26. L’introduction de cette disposition en 2006 se donnait en effet pour ambition de lutter contre les discriminations indirectes dont les femmes étaient victimes en raison de leur absence de l’entreprise pendant leur congé de maternité. Bien que son application ne soit pas des plus simples (détermination de la catégorie professionnelle identique, connaissances des autres augmentations individuelles…), la jurisprudence a pu quelques fois être amenée à en faire interprétation, notamment pour préciser que l’employeur ne peut remplacer l’augmentation de salaire due en vertu de la loi à sa salariée à son retour de congé de maternité par le versement d’une prime exceptionnelle (Soc. 14 févr. 2018, n° 16-25.323 P, Dalloz actualité, 8 mars 2018, obs. J. Siro ; D. 2018. 465
; RTD eur. 2019. 410, obs. A. Jeauneau
; RJS 4/2018, n° 245).
La question de la rétroactivité d’une mesure d’augmentation fondée sur cet article n’avait toutefois jamais à notre connaissance fait l’objet d’un arrêt de principe de la chambre sociale. Il est désormais incontestable qu’il ne peut y avoir de rétroactivité, comme la rédaction de l’article le laissait fortement présager par une rédaction plutôt claire sur ce point, puisqu’il dispose bien que l’augmentation est majorée « à la suite de ce congé ». Il conviendra donc aux salariées estimant ne pas avoir profité de ce dispositif de garantie légale de concentrer leur demande sur la période dont le point de départ est fixé à leur retour de congé maternité.
Soc. 2 oct. 2024, FS-B, n° 23-11.582
Lefebvre Dalloz