Saisie immobilière : éléments de nature juridique dans le procès-verbal de description des lieux
En matière de saisie immobilière, la description des lieux visée dans le procès-verbal de description s’entend nécessairement de la situation juridique du bien.
La saisie immobilière tend à la vente forcée de l’immeuble sur lequel elle porte, en vue de la distribution de son prix (C. pr. exéc., art. L. 311-1). Au regard de la particularité des biens saisis, plusieurs actes préparatoires à cette vente – règlementés aux articles R. 322-1 à R. 322-14 du code des procédures civiles d’exécution – doivent être accomplis. Ils sont de quatre ordres : la rédaction du procès-verbal de description des lieux, la délivrance des assignations à comparaître à une audience d’orientation, le dépôt au greffe du juge de l’exécution du cahier des conditions de vente et de l’état hypothécaire ainsi que la déclaration des créances.
Pour que la vente de l’immeuble saisi puisse avoir lieu, le commissaire de justice instrumentaire doit donc au préalable rédiger un procès-verbal de description des lieux ; ce qui suppose que ce dernier pénètre dans les locaux, malgré l’éventuelle absence ou résistance des personnes qui les occupent (C. pr. exéc., art. R. 322-1).
Aux termes de l’article R. 322-2 du code des procédures civiles d’exécution, cet acte comporte « 1° La description des lieux, leur composition et leur superficie ; 2° L’indication des conditions d’occupation et l’identité des occupants ainsi que la mention des droits dont ils se prévalent ; 3° Le cas échéant, le nom et l’adresse du syndic de copropriété ; 4° Tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant ». Le commissaire de justice peut faire usage de tout moyen approprié pour décrire les lieux (par ex., photographies) et peut se faire assister par tout professionnel qualifié (pr ex., géomètre) en cas de nécessité (C. pr. exéc., art. R. 322-3).
Dans un arrêt du 26 juin 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation a été conduite à se prononcer sur l’interprétation à retenir de la notion centrale de « description des lieux » et souligne en creux l’importance du procès-verbal de description des lieux (adde, Civ. 2e, 15 oct. 2015, n° 14-16.677, AJDI 2016. 57
; Gaz. Pal. 21 juin 2016, p. 44, obs. J.-J. Ansault). À la question de savoir si les renseignements sur l’immeuble saisi comportent des éléments de nature juridique, les hauts magistrats répondent clairement par l’affirmative.
À l’origine de cette affaire, afin de pouvoir acquérir diverses parcelles, un couple contracte un prêt auprès d’une banque garanti par une inscription de privilège de prêteur des deniers et d’hypothèque conventionnelle. À la suite d’un incident de paiement, la banque décide de solliciter un cabinet d’avocats afin notamment d’engager une procédure de saisie immobilière portant sur lesdites parcelles. Un commandement de payer valant saisie est délivré. Par la suite, un huissier de justice dresse un procès-verbal descriptif des parcelles visées audit commandement de payer.
Près de trois ans et demi plus tard, la nullité de ce commandement de payer – ainsi que de tous les actes de procédure subséquents – est judiciairement prononcée, au motif que les parcelles saisies comportaient un bâtiment construit pour partie sur une parcelle non saisie. La banque décide alors d’assigner les avocats et l’huissier de justice en responsabilité et indemnisation, en raison des supposées fautes commises ayant conduit à l’annulation de la procédure de saisie immobilière.
L’huissier de justice ayant vu sa responsabilité civile professionnelle engagée par une cour d’appel forme alors un pourvoi et argue du fait que la description des lieux s’entend seulement de leur composition et superficie, à l’exclusion d’un état de la situation juridique du bien. Sa démarche ne sera pas couronnée de succès. Après avoir rappelé la substance de l’article R. 322-2 du code des procédures civiles d’exécution, les hauts magistrats estiment que « c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que la description des lieux s’entendait nécessairement de la situation juridique du bien et devait dès lors inclure l’empiétement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière ».
Si l’on s’accorde sur la nécessité d’informer au mieux les acquéreurs potentiels de l’immeuble saisi, on ne peut que saluer la solution retenue, en ce qu’elle implique la description la plus détaillée et complète possible. Les personnes intéressées par le bien doivent disposer de tous les renseignements utiles.
Cette solution n’est évidemment pas neutre en termes de responsabilité professionnelle des commissaires de justice – qui devront ainsi redoubler de vigilance – et des avocats. Pour rappel, concernant ces derniers, il avait été jugé – sous l’empire des anciennes dispositions régissant la saisie immobilière – que l’avocat du créancier poursuivant ayant, sur la foi d’un acte notarié instituant une hypothèque conventionnelle et d’un procès-verbal de description établi par huissier de justice, rédigé un cahier des charges inexact dans la désignation du bien saisi comme comprenant des constructions ayant été édifiées sur une parcelle voisine du terrain donné en garantie, n’engage sa responsabilité que s’il disposait d’éléments de nature à éveiller ses soupçons à l’égard de cette discordance (Civ. 1re, 25 nov. 2010, n° 09-70.767, Dalloz actualité, 8 déc. 2010, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2010. 2910
).
Civ. 1re, 26 juin 2024, F-B, n° 23-13.236
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