Salarié intérimaire : précision sur l’obligation de visite médicale de reprise après un accident de travail

L’employeur n’est pas tenu d’organiser une visite médicale de reprise prévue par le code du travail en cas d’arrêt de travail lorsque le contrat de mission, suspendu pour cause d’accident du travail, arrive à échéance avant la fin de l’absence du salarié intérimaire.

Un employeur doit-il organiser une visite de reprise à la suite d’un accident du travail lorsque la victime ne fait plus partie des effectifs en raison de la fin de son contrat de mission ?

Telle était la question dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2024, à l’occasion duquel la chambre sociale de la Cour de cassation a pu apporter, pour la première fois à notre connaissance, une réponse claire et prévisible.

En l’espèce, un salarié engagé en qualité d’auxiliaire ambulancier par une entreprise de travail temporaire pour un contrat de mission d’une durée d’un jour avait été mis à disposition d’une société utilisatrice exploitant un service ambulancier.

Le salarié intérimaire a été victime d’un accident du travail au cours de cette journée et a fait l’objet d’un arrêt de travail jusqu’au mois suivant.

L’intéressé a ensuite saisi la juridiction prud’homale, de demandes tendant à condamner l’entreprise de travail temporaire à organiser une visite médicale de reprise sous astreinte ainsi qu’à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Les juges du fond le déboutèrent toutefois de ses demandes, de sorte que l’intéressé forma un pourvoi en cassation.

La chambre sociale, saisie du pourvoi, va cependant valider le raisonnement de la cour d’appel et rejeter ce dernier.

Une absence d’obligation d’organisation de l’examen de reprise affirmée

L’éminente juridiction va en effet dérouler un raisonnement reposant sur l’interprétation combinée des articles L. 1251-29 et l’ancien R. 4624-22 du code du travail (devenu art. R. 4624-31), desquels il ressort d’une part que la suspension du contrat de mission du salarié ne fait pas obstacle à l’échéance de ce contrat, et que le salarié doit bénéficier d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Aussi les hauts magistrats vont-ils déduire de ces deux règles que nonobstant la suspension du contrat de mission pour cause d’accident du travail, si ce contrat arrive à échéance avant la fin de l’absence du salarié intérimaire, les dispositions de l’article R. 4624-22 du code du travail n’ont pas vocation à s’appliquer.

Or en l’espèce, le contrat de mission liant l’entreprise de travail temporaire et le salarié intérimaire était prévu pour une journée, et avait pris fin à l’échéance du terme, ce même jour, à l’horaire contractualisé.

L’accident du travail dont a été victime le salarié intérimaire avait dès lors suspendu le contrat de travail lors de cette journée, à compter de sa survenance. Au moment où l’intéressé était de nouveau en mesure de travailler, l’entreprise de travail temporaire n’avait plus la qualité d’employeur du salarié, de sorte qu’elle ne pouvait se voir reprocher de ne pas organiser l’examen de reprise du travail.

La solution ainsi rendue apparaît relever du bon sens. S’il est notoire que le régime instauré par le législateur en matière d’accident et de maladie professionnelle assure une protection solide au salarié victime, force est d’admettre qu’il semble difficile de déduire – en l’absence de toute discrimination sur l’état de santé ou fraude – l’obligation pour un ancien employeur d’organiser une visite de reprise au-delà du terme du contrat qui le liait au salarié au moment de son accident. La visite de reprise suppose en effet d’évaluer l’aptitude du salarié à « reprendre » l’activité qu’il occupait. Cette dynamique perd tout son sens lorsque le contrat a cessé.

Il est toutefois permis de penser qu’en présence d’une requalification demandée – et acquise – en CDI, dès lors qu’elle permettrait de considérer le salarié comme étant maintenu dans la relation de travail au moment où il redevient susceptible de travailler, la demande fondée sur l’absence de visite de reprise pourrait alors retrouver du sens. L’on notera à ce titre qu’il avait été récemment jugé que dès lors que les contrats de mission de travail temporaire ont été requalifiés en CDI et que le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la survenance de son accident du travail, la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension s’analysait en un licenciement nul (Soc. 17 févr. 2021, n° 18-15.972 P, D. 2021. 427  ; RJS 5/2021, n° 257 ; JCP S 2021. 1079, obs. Morin-Galvi). 

 

Soc. 7 févr. 2024, FS-B, n° 22-16.961

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