Salariés envoyés à l'étranger : modification des informations à transmettre avant le départ

Depuis le 1er novembre 2023, les informations que l'employeur doit transmettre au salarié amené à travailler à l'étranger sont modifiées. Ces modifications opérées par un décret du 30 octobre 2023 visent à compléter la transposition de la directive du 20 juin 2019 par la loi DDADUE du 9 mars 2023.

Quel est le contexte de publication de ce décret ?

Une directive, entrée en vigueur le 1er août 2022, a modifié les informations que l’employeur doit obligatoirement transmettre au salarié, à l’embauche, mais aussi à ceux appelés à travailler à l’étranger (directive 2019/1152 du 20 juin 2019). 

La loi du 9 mars 2023 a transposé la directive en créant notamment un article L.1221-5-1 du code du travail qui renvoie à un décret le soin de fixer la liste des informations à transmettre. 

Le décret du 30 octobre 2023 complète cette loi en précisant les informations à délivrer ainsi que leurs modalités d'établissement et de délivrance.

► Il existait déjà, dans le code du travail, des dispositions relatives aux informations à communiquer aux salariés amenés à travailler à l’étranger. Elles sont ainsi modifiées (articles R.1221-34 et R.1221-35 modifiés du code du travail).

Quelles sont les situations concernées ?

Est visé le salarié exerçant habituellement son activité professionnelle en France qui est appelé à travailler à l'étranger pour une durée supérieure à quatre semaines consécutives (article R.1221-36 du code du travail).

► Il est à noter que le code du travail vise le salarié alors que la directive vise la notion plus large de travailleur, englobant ainsi notamment les stagiaires.

Il n’est plus fait référence au terme d’expatriation, qui peut être confondu avec la notion d'expatriation utilisée pour la sécurité sociale mais qui ne recouvre pas les mêmes cas.

Ne sont pas concernées les missions à l’étranger de courte durée. Il est désormais fait référence à une durée inférieure ou égale à quatre semaines, au lieu de un mois précédemment.

Quelles sont les informations à transmettre au salarié envoyé à l’étranger pour une durée supérieure à quatre semaines ?

En plus des informations que le salarié doit obligatoirement recevoir au titre de son embauche, l’employeur doit également l’informer sur les éléments suivants (article R.1221-36, I du code du travail) :

Informations à communiquer 

Possibilité de renvoi aux dispositions applicables ? (*)
Pay(s) dans lesquels le travail à l'étranger est effectué et durée prévue Non
Devise servant au paiement de la rémunération Oui
Avantages en espèces et en nature liés aux tâches concernées (le cas échéant) Non
Renseignements indiquant si le rapatriement est organisé et, s'il l'est, conditions de rapatriement du salarié Non

(*) Pour certains éléments, le décret permet d’informer le salarié par renvoi aux dispositions législatives, réglementaires ou stipulations conventionnelles applicables (article R.1221-37, al. 1 du code du travail).

Quelles sont les informations à transmettre au salarié détaché dans le cadre d’une prestation de services européenne ?

Des informations supplémentaires doivent être remises aux salariés envoyés à l’étranger pour une durée supérieure à quatre semaines, dans le cadre d’une prestation de services (situations relevant de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, article 1er).

N’est visé que l’envoi dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, dans le cadre d’une prestation de services.
Dans cette situation, les informations à délivrer sont les suivantes (article R.1221-36, II du code du travail).
 

Informations à communiquer

Possibilité de renvoi aux dispositions applicables ? (*)
Pay(s) dans lesquels le travail à l'étranger est effectué et durée prévue Non
Devise servant au paiement de la rémunération Oui
Avantages en espèces et en nature liés aux tâches concernées (le cas échéant) Non
Renseignements indiquant si le rapatriement est organisé et, s'il l'est, conditions de rapatriement du salarié Non
Rémunération à laquelle il a droit en vertu du droit applicable de l'État d'accueil Oui
Allocations propres au détachement et modalités de remboursement des dépenses de voyage, de logement et de nourriture (le cas échéant) Non
Adresse du site internet national mis en place par l'État d'accueil (conformément aux dispositions de l'article 5, paragraphe 2 de la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014) Non

(*) Pour certains éléments, le décret permet d’informer le salarié par renvoi aux dispositions législatives, réglementaires ou stipulations conventionnelles applicables (article R.1221-37, al. 1 du code du travail). 
A noter : cette liste s’ajoute aux informations essentielles à la relation de travail.

Dans quel délai ces informations doivent-elles être transmises ?

L’employeur doit transmettre ces informations avant le départ du salarié à l'étranger (article R.1221-37, al. 2 du code du travail). Ce délai concerne aussi bien les informations spécifiques au départ à l’étranger que les dispositions à transmettre au titre de l’embauche.

Le décret précise que ce délai s'applique sans préjudice des délais de sept jours ou un mois applicables aux informations à transmettre à l'embauche. A notre avis, selon la situation, l'employeur pourrait avoir à respecter chacun de ces délais ou avoir à transmettre toutes les informations avant le départ à l'étranger.

Exemple : Pour un salarié embauché le 1er décembre 2023 et envoyé à l'étranger le 1er février 2024, l'employeur doit transmettre les informations liées à l'embauche au plus tard dans les délais de 7 jours et 1 mois (selon les informations) suivant l'embauche, puis les informations liées au détachement au plus tard le 31 janvier 2023. Pour un salarié embauché le 1er décembre 2023 et partant à l'étranger le 4 décembre 2023, l'employeur doit transmettre l'ensemble des informations avant le 4 décembre 2023.

Pour un salarié embauché en 2020, avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, n'ayant pas demandé les informations essentielles à la relation de travail et partant à l'étranger le 4 décembre 2023, on conseillera à l'employeur de transmettre l'ensemble des informations avant le 4 décembre 2023.

Quelles sont les modalités d’information des salariés ?

Un arrêté du ministre chargé du travail doit fixer des modèles de documents pour aider les employeurs (article R.1221-38 du code du travail). Cet arrêté n’a pas encore été publié.

Les informations doivent être adressées sous format papier, par tout moyen conférant date certaine (article R.1221-39 du code du travail).

Elles peuvent également l’être sous format électronique, à condition que :

  • le salarié dispose d'un moyen d'accéder à une information sous format électronique ;
  • les informations puissent être enregistrées et imprimées ;
  • l'employeur conserve un justificatif de la transmission ou de la réception de ces informations.

Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de modification des informations transmises ?

Lorsqu’une information transmise fait l’objet d’une modification, l’employeur doit prévenir le salarié dans les plus brefs délais, et au plus tard à la date de prise d'effet de cette modification (article R.1221-40 du code du travail).

Toutefois, l’employeur n’y est pas obligé si la modification résulte exclusivement d'un changement des dispositions législatives et réglementaires ou des stipulations conventionnelles en vigueur.

Que risque l’employeur s’il n’applique pas ces nouvelles dispositions ?

Le salarié qui n'a pas reçu les informations dans les délais prévus peut saisir la juridiction prud'homale à condition d'avoir mis son employeur en demeure de les lui communiquer. La saisine des prud'hommes peut s'effectuer sept jours calendaires à compter de la réception de la mise en demeure (articles R.1221-41 et L.1221-5-1 du code du travail). 

► Le salarié pourra demander des dommages et intérêts s'il a subi un préjudice.

A partir de quand l’employeur doit-il se conformer à ces nouvelles dispositions ?

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er novembre 2023. Pour les salariés déjà présents à l’étranger à cette date, il est prévu qu’ils peuvent demander les informations à tout moment auprès de leur employeur, qui est tenu d'y répondre dans un délai de sept jours.

 

© Lefebvre Dalloz