Service public de l’emploi, télétravail, emploi des seniors, NAO : les sujets de rentrée de l’ANDRH

L’ANDRH a présenté hier, lors d’une conférence de presse, les grandes tendances de la rentrée 2023. L’association compte peser dans le débat public en apportant sa contribution aux réformes en cours, notamment sur le projet de loi Plein emploi et le travail des seniors.

Pôle emploi a-t-il suffisamment répondu aux attentes des entreprises qui peinent actuellement à recruter ? Alors que les tensions sur le marché du travail sont devenues un casse-tête pour les entreprises, le bilan dressé, hier, par l’ANDRH qui présentait les grandes tendances de la rentrée, démontre le contraire. Certes, l’action de Pôle emploi a permis un certain type d’accompagnement : trois DRH sur quatre ont collaboré avec le service public de l’emploi, selon un sondage de l’association réalisé auprès de 355 répondants (dont 52 % travaillant dans des entreprises de moins de 300 salariés).

Mais l’ANDRH étrille le manque d’efficacité de l’opérateur public en matière d’accompagnement des entreprises. Les coopérations ont pris la forme de participation à des forums, de matinées de l’emploi ou d’animations diverses. Mais elles se sont plus rarement traduites par un accompagnement dans le recrutement et par un suivi des offres d’emploi. Au point où, "Pôle emploi n’est pas identifié comme l’acteur principal sur le recrutement", tacle Audrey Richard, la présidente de l’ANDRH qui ajoute que les missions locales sont, elles, "plus reconnues pour la qualité de leur travail ".

Ces critiques interviennent au moment où le projet de loi Plein emploi revient à l’Assemblée nationale. Le texte, qui devrait donner naissance à la création du réseau France travail en lieu et place de Pôle emploi, sera en effet, discuté en première lecture à l’Assemblée nationale partir du 25 septembre prochain, après une adoption en première lecture au Sénat, le 11 juillet. C’est pourquoi l’ANDRH recommande plusieurs leviers d’amélioration : le développement de l’offre de services ; une plus grande digitalisation des outils, un meilleur suivi des offres pour recruter "plus vite et mieux" ainsi qu’un accès à la formation davantage lié aux besoins des employeurs, en lien avec les "territoires".

Plaidoyer en faveur des seniors

En cette rentrée, l’ANDRH compte également pousser ses revendications sur les seniors, en parallèle des négociations que doivent ouvrir les partenaires sociaux vers la mi-octobre, à l’issue de la conférence sociale. L’association vient de publier un plaidoyer en faveur des salariés expérimentés (voir pièce jointe) et demande à nouveau la mise en place d’un plan "Un senior, une solution", calqué sur le modèle du plan "Un jeune, une solution" mis en place en juillet 2020. Par ailleurs, elle indique que les DRH, responsables de la gestion des carrières, sur le terrain, souhaitent la création d‘un congé de reconversion en cas d’usure professionnelle (68 % d’entre eux), d’un CDI senior (64 %) et une négociation sur le compte épargne temps universel (55 %). Reste à savoir si ces propositions seront retenues par les organisations patronales et syndicales.

Renégociation sur le télétravail

La rentrée sera également placée sous le signe de nouvelles négociations sur le télétravail. Un tiers des professionnels RH sondés indique avoir récemment renégocié sur le travail ou sont en passe de le faire. L’arrivée à échéance de la plupart de ces accords triennaux n’est pas la seule raison. "Les DRH s’attèlent à structurer le travail à distance, c’est-à-dire à mettre en place des organisations hydrides pour conserver les collectifs de travail, assure Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH. Ils se rendent compte que le travail à distance a un impact sur la productivité collective du travail".

Pas question donc de revenir en arrière. "Mais une chose est sûre : le télétravail open-bar, quand je veux, ou je veux, ça c’est fini", prévient Benoît Serre. Parmi les réflexions, figure, par exemple, une nouvelle répartition des jours de télétravail non plus hebdomadaire mais par semestre, validée service par service, pour coller davantage aux deadline des activités.

NAO : un sujet sous haute tension

Autre sujet de tension : les NAO 2024. Un dossier qui prend une acuité particulière avec le maintien de l’inflation à un haut niveau. Or, pour Benoît Serre, "l’équation économique est pour certaines TPE/PME juste impossible". Notamment pour celles qui remboursent les prêts garantis par l’Etat (PGE), mis en place en janvier 2022.

Parmi les alternatives, "la prime de partage de la valeur, dont le montant est largement inférieur à son maximum, pourrait être un outil très utilisé par les entreprises qui ont une trésorerie tendue".

La difficile application de la loi Santé au travail

L’ANDRH souligne également ses difficultés à appliquer la loi Santé au travail au travail du 2 août 2021, entrée en vigueur le 1er avril 2022. Parmi les griefs, 75 % dénoncent la pénurie des médecins du travail ; un facteur très pénalisant. "De nombreuses entreprises rencontrent des difficultés pour obtenir des rendez-vous obligatoires pour leurs salariés auprès de la médecine du travail", pointe Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH.

Surtout, l’urgence passe par une meilleure prise en charge de la santé mentale des salariés. 58 % des DRH sondés érigent cette question aux rangs des dossiers prioritaires et jugent crucial d’y apporter une solution rapidement.

"C’est un sujet qui dépasse le cadre de l’entreprise mais que nous avons à gérer. La santé mentale constitue un enjeu pour les DRH. J’en veux pour preuve le succès des webinaires que nous organisons sur le sujet", précise Laurence Breton-Kueny.

L’ANDRH prône ainsi la généralisation de formations Premiers secours en santé mentale pour détecter les signaux faibles, troubles anxieux ou addictifs, et prévenir ainsi les risques psychosociaux.

 

Congés payés et maladie : "la loi doit figer ce principe"

Par une salve d'arrêts rendus le 13 septembre, la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence en matière d’arrêt de travail et de congés payés, en s’appuyant sur l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui garantit à tout travailleur une période annuelle de congés payés. Comment les professionnels vont-ils s’organiser pour se mettre dans les clous de cette nouvelle jurisprudence ?

Pour Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, "cette décision de la Cour de cassation s’appuie sur une directive de la Cour européenne qui aurait dû être transcrite en droit français". Aussi serait-il judicieux que "la loi fige ce principe car pour l’heure, cette décision est soumise à la potentielle instabilité jurisprudentielle". Une instabilité qui ne rassure guère les professionnels RH !

 

© Lefebvre Dalloz