Sites sous déclaration avec contrôle périodique : le grand flou
Certains sites classés soumis à déclaration doivent faire réaliser un contrôle périodique. Qu'en est-il de ces contrôles en pratique ? Sont-ils réalisés ? Quelle est la part de non-conformités ?
La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a-t-elle une vision précise du paysage des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sous déclaration avec contrôle périodique ? Pas tout à fait. Pour mémoire, six mois après leur mise en service puis tous les cinq ou dix ans, ces sites doivent faire réaliser un contrôle. En cas de non-conformité majeure, ils doivent se mettre à niveau puis faire effectuer un contrôle complémentaire – les deux étant à la charge d’un organisme tiers. « Les effectifs de l'inspection sont tels qu’elle se consacre aux sites soumis à autorisation et enregistrement, sauf exception », explique un porte-parole de la DGPR.
Combien de sites sont visés ? Le ministère n’est pas en mesure de nous répondre. « Les sites sous déclaration sont déclarés auprès d’un guichet unique dans les préfectures. Les données n'ont pas été exploitées spécifiquement par le ministère de l'intérieur. Mais nous sommes en cours de récupération de ces bases de données, sans savoir garantir que nous pourrons tout récupérer, à ce stade », poursuit le porte-parole. Ignorant donc combien de sites sont concernés, le ministère n’est pas en mesure de nous indiquer quel pourcentage remplit bel et bien ses obligations. « Lors de focus liés à des actions nationales, nous disposons toutefois de remontées d’informations », nous précise-t-on. Ainsi, lors d’un événement relatif à l’action nationale sur le stockage des liquides inflammables 2023, la DGPR notait que dans 82 % des cas, le contrôle périodique n’était pas réalisé.
Des contrôles en augmentation
Le ministère connaît en revanche le nombre de contrôles, puisque les 17 organismes actuellement agréés lui font remonter une partie de leurs résultats. Et ils sont en augmentation. Dans sa circulaire sur les actions nationales de 2013, la DGPR comptait « 14 000 [contrôles] depuis le début de l'activité en 2006 », ce qui correspondrait à environ 2 000 contrôles par an sur cette période. Or, pour les années 2019 à 2022, la DGPR nous a communiqué ses bilans* : entre 7 000 et 7 800 sont dorénavant réalisés.
Parmi ces contrôles, 68 % sont des initiaux et 32 % des complémentaires. À partir des éléments transmis, impossible en revanche de savoir si les contrôles complémentaires sont réalisés à chaque fois qu’ils sont exigés : en effet, les éventuelles non-conformités à l’issue des visites initiales ne sont pas mentionnées dans les bilans. Mais selon les chiffres que Bureau Veritas a mentionné à ActuEL HSE, 70 % des sites présenteraient une non-conformité majeure lors du contrôle initial : dans ce cas, il semblerait que tous les contrôles complémentaires ne soient pas réalisés.
| â–º Lire aussi : ICPE sous déclaration, quelles obligations en matière de contrôles périodiques, pour quelle utilité ? |
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Quid des non-conformités persistantes ?
Les bilans du ministère permettent en revanche de compter les rubriques les plus contrôlées : plus de 2 300 stations services (1435) l’ont été chaque année entre 2019 et 2022, représentant un tiers du total des visites, initiales et complémentaires. Environ 140 d’entre elles présentaient encore une non-conformité majeure à l’issue du complémentaire en 2021 et 2022. Avec environ 870 sites contrôlés annuellement, les installations de combustion de la rubrique 2910 arrivent en seconde position - une soixantaine de ces sites présentait encore une non-conformité majeure à l’issue du contrôle complémentaire.
Parmi les autres types de sites faisant majoritairement réaliser les contrôles périodiques, on trouve notamment les stockages de produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734) avec environ 700 contrôles annuels, les installations utilisant des gaz à effet de serre fluorés (1185) avec 450 contrôles, tandis que les installations de collecte des déchets (2710) représentent environ 440 contrôles, dont une cinquantaine affichant encore une non-conformité après le contrôle complémentaire. Combien d’inspections ICPE sont effectuées après des non-conformités persistantes ? « Je ne suis pas certain que nous ayons ces informations », répond le porte-parole de la DGPR.
La direction prévoit cependant une amélioration du système, conformément aux Orientations stratégiques pluriannuelles pour l’inspection des installations classées (Ospiic) 2023-2027. Celles-ci projettent la mise en place d’« un système d’information pour amener [l]es organismes à déclarer les sites sur lesquels ils ont mené un contrôle et à en donner les principales conclusions ». Dans l’idée d’améliorer le suivi et le contrôle d’un dispositif dont les contours restent encore très flous.
* Ces bilans contiennent les rubriques ICPE et distinguent contrôle initial et complémentaire. Pour les années 2021 et 2022, ils précisent également si des non-conformités subsistent à l’issue des contrôles complémentaires. ”Nous ne disposons pas de cette information en administration centrale pour les années antérieures”, précise le ministère. Ces bilans ne sont pas publiés en ligne. ”Il n’y a pas de demande”, explique la DGPR.
© Lefebvre Dalloz