Statut du bailleur privé : choc fiscal en faveur des nouveaux investisseurs
Un rapport parlementaire rendu public le 30 juin 2025 présente principalement cinq mesures fiscales fortes permettant de relancer l’attrait du secteur de l’investissement locatif pour les opérateurs privés.
Mandatés par le ministre de l’Économie et des Finances, la ministre chargée des Comptes publics et la ministre chargée du Logement en vue de proposer des évolutions pour accroître structurellement l’offre locative de logements abordables et de longues durées pour les Français, Marc-Philippe Daubresse (ancien ministre et sénateur du Nord) et Mickaël Cosson (député des Côtes-d’Armor) ont remis leur rapport ce lundi 30 juin 2025.
Des acteurs économiques et sociaux importants
Affirmée dès les premières lignes du rapport, la conviction de ses auteurs est dénuée d’ambiguïté : « il s’agit de reconnaître le rôle économique et social tenu par les propriétaires bailleurs, qui logent près du quart des Français ». Ces propriétaires bailleurs sont « des acteurs économiques et sociaux importants et c’est pour cette raison que le cadre dans lequel ils interviennent doit être cohérent avec cette activité ».
Et il faut agir vite (dès la loi de finances pour 2026), afin de relancer l’investissement locatif et, par voie de conséquence, la construction de logements (à son plus bas niveau depuis les années 1950).
Cette relance aura une autre vertu, celle de réduire le déficit public (selon le rapport, de + 0,5 Md€ en 2026 et de + 1,9 Md€ par an en moyenne sur 2026-2032).
Importance quantitative et typologie des bailleurs privés
Alors que les investisseurs institutionnels ne détiennent aujourd’hui plus qu’environ 1 % du parc résidentiel (contre près de 20 % dans les années 1980), les bailleurs privés, eux, logent 25 % des Français et 58 % des locataires.
70 % des propriétaires bailleurs n’ont qu’un seul logement et les revenus locatifs qu’ils perçoivent ne constituent qu’un revenu d’appoint (un complément de retraite pour les 30 % âgés de plus de 65 ans).
Et, « contrairement à des idées reçues, ce type d’investissement n’est pas réservé aux ménages aux revenus les plus élevés. En effet, le taux marginal moyen d’imposition tourne autour de 20 %, bien inférieur aux tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu ».
Un système de mise en location de logements de longue durée incohérent et désincitatif
Les facteurs décourageant les investisseurs sont identifiés et ils sont nombreux. On mentionnera tout d’abord une progression à des rythmes différents des prix de l’immobilier, des loyers et des salaires.
La rentabilité limitée de l’investissement est également pointée du doigt par les auteurs du rapport. Elle est notamment due à l’encadrement des loyers dans les grandes agglomérations, à des obligations réglementaires accrues (obligations de rénovation énergétique dans l’ancien et RE2020 dans le neuf), à une hausse sensible des impayés et de la taxe foncière et à la fin du dispositif Pinel.
Surtout, la fiscalité de l’investissement locatif nu reste, en dépit de la loi Le Meur du 19 novembre 2024, infiniment plus lourde que celle applicable aux locations de courte durée.
Afin de reconnaître sur le plan fiscal l’importance des investisseurs particuliers et, ainsi, de favoriser l’investissement et d’augmenter structurellement l’offre de logements, le rapport préconise la mise en œuvre des cinq mesures suivantes :
- pour toutes les mutations intervenant à compter de décembre 2025, ouvrir l’amortissement des biens mis en location de longue durée, sans distinction du caractère nu ou meublé, et rehausser à 50 % l’abattement pour le régime micro-foncier et son plafond d’application à 30 000 euros ;
- offrir un bonus de rentabilité pour les logements proposés à un loyer abordable ;
- augmenter à 40 000 € le plafond d’imputation du déficit foncier ;
- exclure les biens mis en location de longue durée de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ;
- mettre en cohérence la durée de détention avant exonération de la plus-value avec la durée d’amortissement proposée.
L’instauration de mesures complémentaires
En complément de la réforme de la fiscalité susmentionnée, MM. Daubresse et Cosson esquissent (« compte tenu du délai imparti ») des pistes de réflexion afin d’« améliorer plus globalement les déterminants de l’investissement locatif », se contentant de passer en revue ce qui, à leurs yeux, constitue les principaux chantiers.
Ils proposent ainsi de procéder à l’actualisation du décret « charges ».
Ils suggèrent également de sécuriser davantage la location d’un bien, au bénéfice des deux cocontractants, se contentant toutefois, sur ce point, de renvoyer au rapport de 2019 de Mickaël Nogal intitulé « Louer en confiance », qui prévoyait notamment de mettre sous séquestre les dépôts de garantie (Rapport Nogal au sujet duquel, Dalloz actualité, 28 juin 2019, obs. Pauline Louasse) et qui a débouché sur une proposition de loi début 2020 (Dalloz actualité, 20 janv. 2020, obs. C. Chapelle).
Ils attendent par ailleurs les résultats de la mission d’évaluation de l’encadrement des loyers (dont l’expérimentation s’achève le 24 nov. 2026) prévues à l’article 140-I de la loi ELAN n° 2018-1021 du 20 novembre 2018).
En d’autres lieux, Philippe Pelletier (avocat honoraire et ancien président de l’ANAH) s’était montré plus disruptif, en proposant d’instaurer une « sécurité accrue pour le locataire qui doit pouvoir compter sur la stabilité de son bail pour bâtir un projet de vie ». Ainsi, propose-t-il, comme en droit allemand, de supprimer purement et simplement la faculté, pour le bailleur de délivrer un congé pour vendre (prévu à l’art. 15-II de la loi n° 89-462 du 6 juill. 1989), mais aussi d’interdire l’expulsion d’un locataire de bonne foi sans lui proposer une solution de relogement, ou encore de confier la régulation des loyers aux associations de bailleurs et de locataires, sous l’égide de la Commission nationale de concertation (AJDI 2025. 324, propos recueillis par S. Michelin Mazéran
).
Une réforme ayant vocation à s’appliquer aux seules mutations nouvelles
Précision très importante pour tous les opérateurs du secteur, afin de « stimuler les décisions d’investissement et avoir un impact positif sur les finances publiques », il est préconisé par le rapport de réserver l’application de la réforme aux seules mutations à venir à partir de la fin 2025.
La balle est à présent dans le camp du gouvernement qui va étudier ces pistes de réflexion et les traduire dans le projet de loi de finances pour 2026.
par Yves Rouquet, Rédacteur en chef, Département immobilier Lefebvre Dalloz
© Lefebvre Dalloz