Surseoir ou régulariser une autorisation environnementale viciée, il faut choisir

Le juge, confronté à une autorisation environnementale entachée d’un ou plusieurs vices, peut surseoir à statuer aux fins de régularisation ou limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce. Mais il ne peut pas prononcer simultanément les deux mesures.

La société MSE la Couturelle, à laquelle s’est substituée la société Engie Green Doussay, a déposé, en 2010 et 2011, plusieurs demandes de permis de construire ainsi qu’une demande d’autorisation d’exploitation d’un parc éolien en vue de l’implantation et de l’exploitation de six éoliennes sur le territoire de la commune de Doussay (Vienne). Après avoir refusé de délivrer les permis de construire demandés, la préfète de la Vienne a rejeté la demande d’autorisation d’exploiter le parc éolien par un arrêté du 14 octobre 2014. Le Tribunal administratif de Poitiers a annulé ces décisions et enjoint à la préfète de la Vienne de réexaminer les demandes de la société pétitionnaire. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a, d’une part, annulé cet arrêté en tant qu’il ne comporte pas la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement et suspendu son exécution jusqu’à l’octroi éventuel de cette dérogation, d’autre part, prononcé un sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu’à expiration d’un délai de quatre ou six mois à compter de la notification de l’arrêt pour permettre à la société Engie Green Doussay de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale.

Évolution de l’office du juge de l’autorité environnementale

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État étoffe l’office du juge de l’autorité environnementale (CE 22 mars 2018, Association Novissen, n° 415852, Dalloz actualité, 29 mars 2018, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon  ; AJDA 2018. 655  ; ibid. 1451 , note T. Pouthier ). Il a déjà apporté des précisions sur les modalités de régulariser le vice de procédure qui affecte une autorisation environnementale dès lors que le juge du plein contentieux aura estimé ce vice régularisable (CE 27 sept. 2018, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et autres, n° 420119, Dalloz actualité, 4 oct. 2018, obs. J.-M. Pastor ; Lebon avec les concl.  ; AJDA 2018. 1871  ; ibid. 2085 , concl. L. Dutheillet de Lamothe 

Pas d’action simultanée

Il résulte de ces dispositions du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement « que le juge de l’autorisation environnementale peut, alternativement, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction », précise la Haute juridiction. Le Conseil d’État censure donc l’action simultanée de la cour. En décidant simultanément, d’une part, d’annuler partiellement l’arrêté attaqué en tant qu’il ne comportait pas la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de suspendre son exécution jusqu’à l’octroi éventuel de cette dérogation, et, d’autre part, de surseoir à statuer sur le « surplus des conclusions de la requête » pour permettre à la société pétitionnaire de lui notifier, le cas échéant, une mesure de régularisation du vice tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale, elle a commis une erreur de droit.

 

CE 8 mars 2024, n° 463249

© Lefebvre Dalloz