Temps de travail de l’étudiant étranger en VLS

Un étudiant étranger, lorsqu’il est embauché en France, doit travailler selon une durée en principe d’au moins vingt-quatre heures par semaine, sans jamais dépasser 964 heures à l’année. Toutefois, le non-respect de la durée hebdomadaire minimale n’entraîne pas, en soi, la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet.

Durant l’année universitaire 2022-2023, la France a accueilli 412 087 étudiants étrangers dans ses établissements d’enseignement supérieur et nombreux ont occupé, et occupent toujours, un emploi pour différentes raisons. Les textes règlementant l’emploi des étudiants étrangers peuvent parfois entrer en conflit avec le droit commun des travailleurs, ce que montre manifestement l’arrêt rendu le 22 mai 2024 par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Un étudiant étranger, titulaire d’un titre de séjour temporaire de plus de trois mois, appelé en pratique « visa long séjour » (VLS), a été engagé par contrat à durée déterminée d’une durée de six heures par semaine. Des avenants sont venus ensuite augmenter sa durée de travail afin de la porter à tantôt plus de dix-huit heures, tantôt moins de dix-huit heures. Son employeur finit par fermer boutique et le salarié l’assigne en justice aux fins de requalifier le contrat en contrat à durée indéterminée à temps complet, de résilier judiciairement le contrat et de condamner son ex-employeur à lui payer diverses sommes dues au titre de l’exécution et de la rupture du contrat. Si les premiers juges font droit à l’intégralité de ses demandes, la cour d’appel ne l’a pas entendu ainsi. Elle le déboute de sa demande de rappel de salaire fondée sur la requalification du contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet, jugeant notamment que les étudiants étrangers sont soumis à un plafond annuel de 965 heures de travail, soit dix-huit par semaine et que les avenants successifs n’impliquent aucunement une modification du motif du recours au contrat à durée déterminée.

Suivant un pourvoi fort détaillé, le salarié soutient que la limite annuelle de 964 heures, qui n’est au surplus pas hebdomadaire, ne lui est pas opposable, que l’employeur doit démontrer la réalité du cas de recours au contrat à durée déterminée et que la mauvaise foi du salarié ne peut résulter du seul refus de signature de l’avenant de renouvellement du contrat à durée déterminée.

Si, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, la seule conclusion d’un contrat de travail d’une durée inférieure à vingt-quatre heures par semaine n’entraîne pas la requalification du contrat en contrat à temps complet et si la modification par avenant du volume horaire de travail n’implique pas une modification du motif de recours au contrat à durée déterminée, il n’en demeure pas moins que les juges du fond ont violé plusieurs textes. D’une part, les dispositions de l’article L. 3123-27 du code du travail s’appliquent dans le respect de la limité fixée à l’article R. 5221-26, soit 964 heures par an, en sorte que ce plafond annuel ne déroge pas au minimum hebdomadaire des vingt-quatre heures. D’autre part, la mauvaise foi du salarié, pouvant empêcher la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, n’a pas été correctement caractérisée par la cour d’appel. La Cour a donc tranché en faveur du salarié et a cassé l’arrêt d’appel, ce qui commande quelques remarques relatives uniquement au temps de travail applicable à l’étudiant étranger, tant la mauvaise foi relève davantage du cas d’espèce et tant il est évident qu’un avenant modifiant le volume horaire ne change en rien le motif de recours au contrat à durée déterminée, outre que le salarié ne contestait pas ce motif en cause d’appel.

Durées minimale et maximale de travail du travailleur étranger en VSL

La Cour régulatrice estime que l’article L. 3123-27 du code du travail s’applique à l’égard de l’étudiant étranger travailleur, dans le respect de l’article R. 5221-26 du même code. Le premier texte prévoit une durée minimale hebdomadaire de travail applicable à tout salarié, sauf dispositions conventionnelles, de vingt-quatre heures. Toutefois, plusieurs dérogations sont prévues dans le code du travail (C. trav., art. L. 3123-7), en raison notamment du contrat en cause ou de la demande formulée par le salarié. Quant à l’article R. 5221-26, il instaure une durée annuelle maximale de travail à l’égard des seuls étudiants étrangers en VSL de 964 heures. Comment articuler les deux ? L’un est-il plus spécial que l’autre ? C’était tout le débat et la chambre sociale estime que les deux textes, et par voie de conséquence les deux délais, doivent s’appliquer.

Cette conciliation des deux durées de travail est semble-t-il nouvelle et, au demeurant, parfaitement justifiée. Non seulement elles n’ont pas la même nature, l’une constituant un minimum et l’autre un maximum, mais il ne peut pas être dérogé de cette manière à l’article R. 5221-26 dès lors que celui-ci assure un objectif d’accessoriété du travail de l’étudiant étranger. La cour d’appel avait pensé pouvoir appliquer cette seule durée maximale, en proratisant à la semaine : 964 heures annuelles/52 semaines = dix-huit heures par semaine. On comprend alors l’aporie : comment obtenir une durée hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures si les travailleurs étrangers sont soumis à une durée hebdomadaire maximale de dix-huit heures ? Or l’article R. 5221-26, en ce qu’il n’instaure pas une durée minimale et en ce que son quantum est fixé par année, ne vient pas contredire l’article L. 3123-27, de sorte que les juges du fond ne pouvaient raisonner ainsi. Il fallait seulement s’assurer que l’étudiant étranger travaillait au moins vingt-quatre heures par semaine, à défaut de convention collective contraire, et 964 heures par an au plus.

En pratique, cette solution pourrait surprendre. Un travail est-il réellement accessoire par rapport aux études si l’étudiant doit travailler au moins vingt-quatre heures par semaine ? Il est amplement permis d’en douter.

Absence de requalification en temps complet en cas de non-respect de la durée minimale de travail ?

La chambre sociale de la Cour de cassation juge que le seul fait de conclure un contrat de travail d’une durée inférieure à la durée légale minimale n’entraîne pas la requalification du contrat à temps partiel à temps complet, solution n’ayant apparemment nul précédent.

Il est vrai que le législateur n’a pas instauré de sanction pour les contrats qui ne respecteraient pas la durée minimale des vingt-quatre heures. Pouvait-on alors raisonnablement juger que le non-respect de cette durée minimale entraînerait la requalification d’un temps partiel en temps complet ? La Cour de cassation ne l’a fort heureusement pas cru. De deux choses l’une : la requalification du contrat en temps complet serait bien trop excessive et sévère à l’égard de l’employeur. De surcroît, la Cour précise que la conclusion du contrat est en soi insuffisante, ce qui laisse potentiellement place à une requalification d’un temps partiel en temps complet si d’autres éléments l’appuient, solution a priori moins dérangeante mais, pour le moment, des plus floues. Espérons de futures précisions par la Haute juridiction si l’occasion se présente.

 

Soc. 22 mai 2024, FS-B, n° 22-11.623

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