Un contrat de prestations de service n’est pas un bail

La qualification de sous-location, au sens de l’article L. 145-31 du code de commerce, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.

Distinction du contrat de bail et du contrat de mise à disposition assorti de prestations de services

Le statut des baux commerciaux suppose un bail tel que défini à l’article 1709 du code civil. La Cour de cassation rappelle, dans l’arrêt commenté, que le contrat de bail doit être distingué d’un contrat de mise à disposition d’un local, lorsque la jouissance des lieux s’inscrit dans le cadre de diverses prestations de services (Civ. 3e, 13 févr. 2002, n° 00-17.994 P, D. 2002. 1204 , obs. Y. Rouquet ; AJDI 2002. 289 , obs. M.-P. Dumont ; ibid. 450, obs. J.-P. Blatter ; ibid. 595, étude P. Daviaud ; Gaz. Pal. 2003. Somm. 28, note J.-D. Barbier) ou dans celui d’une convention plus large, à titre accessoire, tel un contrat d’exclusivité de vente (Civ. 3e, 14 nov. 2002, n° 01-11.152, AJDI 2003. 506 , obs. M.-P. Dumont ).

Qualification de sous-location ou non

En l’espèce, la question se posait à propos d’un sous-contrat. Un bail commercial avait été conclu entre un propriétaire et un locataire. Ce dernier mettait à la disposition de tiers des bureaux. Le propriétaire avait considéré qu’il s’agissait de sous-locations et avait donc demandé, sur le fondement de l’article L. 145–31, alinéa 3, du code de commerce, le réajustement du loyer du bail principal.

La cour d’appel avait suivi la thèse du propriétaire en considérant que la prestation essentielle du contrat conclu entre le locataire et les tiers était constituée par la mise à disposition des bureaux, les prestations fournies (entretien, accueil, sécurité, etc.) n’étant qu’accessoires.

Mais l’arrêt est cassé, dans la mesure où le locataire fournissait aux tiers diverses prestations de services distinctes de la seule mise à disposition d’un bureau : ameublement, entretien des locaux, chauffage, accès internet, téléphone, assurances, services d’accueil, surveillance et sécurisation des bâtiments, accès à des espaces partagés (réfectoire, kitchenette, salle de réunion, salle de détente, machine à café en libre-service gratuit, sanitaires).

La Cour de cassation a déjà statué dans des cas similaires, en excluant la qualification en raison de « nombreuses prestations » (Civ. 3e, 13 févr. 2002, n° 00-17.994, préc.), notamment à propos d’un contrat de mise à disposition d’une salle avec un disc-jockey ou un orchestre, incluant la prise en charge de formalités administratives (Civ. 3e, 16 mai 2000, n° 98-19.427, Administrer 8-9/2000. 19) ou d’un contrat de mise à disposition de surfaces et de matériels avec prestations de services pour un studio d’enregistrement (Civ. 3e, 7 nov. 2001, n° 00-14.595, AJDI 2002. 132 ).

Un garage automobile qui met à la disposition de ses clients des emplacements avec des prestations de services ne consent pas une sous-location (Civ. 3e, 30 avr. 1969, AJPI 1970. 332).

Il n’y a pas non plus de sous-location lorsque le locataire développe une activité hôtelière ou de résidence de tourisme (Civ. 3e, 13 sept. 2011, n° 10-21.087, AJDI 2011. 792 ; 15 avr. 2015, n° 14-15.976, D. 2015. 918, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2015. 682 , obs. J.-P. Blatter ).

Prix global indivisible

Pour qualifier la convention, la Cour de cassation prend en compte le caractère indissociable des prestations de services et de la mise à disposition du local ainsi que l’indivisibilité du prix « fixé globalement ».

Il n’est pas possible de requalifier le contrat en deux contrats distincts : une sous-location d’une part, un contrat de prestation de services d’autre part, dès lors qu’il n’y a qu’un seul prix pour l’ensemble.

Ainsi, le sous-contrat étant un contrat de prestations de services et non pas une sous-location, le propriétaire ne pouvait pas demander le réajustement du loyer.

 

Civ. 3e, 27 juin 2024, FS-B, n° 22-22.823

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