Un nouveau texte sur le terrorisme, et au-delà
La commission des lois du Sénat a décidé de porter un nouveau texte sur le terrorisme, pour compléter l’arsenal existant sur de multiples points. Certains articles dépassent d’ailleurs le seul cadre de la législation anti-terroriste, traitant par exemple de la révocation des mesures de probation ou la dissolution des associations.
Depuis vingt ans, les législations sur le terrorisme se sont succédées, au point d’être plus nombreuses que celles sur l’immigration. La Commission des lois du Sénat a décidé de mettre le métier à l’ouvrage, avec une proposition de loi qui sera débattue ce mercredi matin. Le texte porté par le président de la Commission, François-Noël Buffet, devrait être complété par plusieurs amendements du rapporteur Marc-Philippe Daubresse, qui suit ces questions pour la Commission.
Mesures sur les sortants de prison
Le texte cible d’abord les sortants de prison après une condamnation pour terrorisme. L’article premier veut muscler la mesure de prévention de la récidive terroriste créée en 2021, en renforçant les mesures de surveillance associée. Comme le souhaite le rapporteur, le critère de dangerosité serait abaissé et elle pourrait être prononcée en cas d’adhésion avérée à une idéologie incitant à la commission d’actes de terrorisme, plutôt qu’une adhésion « persistante », ou en cas de « trouble grave de la personnalité ». Sa durée serait d’un an renouvelable, jusqu’à trois ou cinq ans.
L’article 2 élargit les possibilités de rétention de sûreté afin de la rendre applicable aux crimes terroristes en cas de trouble grave de la personnalité du condamné ou, par une nouvelle mesure de sûreté, en cas de radicalisation persistante. L’article 14 crée une peine complémentaire de « bannissement numérique », en lien avec celle prévue dans la loi Espace numérique, dont la navette est actuellement suspendue. Le texte institue également une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports en commun, dès lors qu’un individu y aurait commis un acte terroriste.
Les services se sont aussi plaint d’un détournement de la procédure simplifiée de changement de nom par des condamnés terroristes. Le rapporteur souhaite donc une saisine systématique en cas de demande de changement émanant d’une personne condamnée pour un crime terroriste.
Le suivi des mineurs
Plusieurs articles concernent le régime des mineurs poursuivis pour des infractions terroristes. Le texte étend notamment la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire. L’article 4 permet leur prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de leur majorité, de manière à éviter les ruptures de prise en charge. Le rapporteur propose aussi une information systématique de l’établissement scolaire.
Le renforcement des mesures administratives
Par amendement, le rapporteur propose de créer une nouvelle mesure administrative autonome d’interdiction de paraître pour les grands évènements. Une innovation en lien avec les Jeux olympiques.
Le rapporteur souhaite également renforcer les informations communiquées aux préfets sur les personnes radicalisées hospitalisées sans leur consentement. Il veut aussi rendre suspensif l’appel du ministère de l’intérieur contre l’annulation d’une MICAS.
Les articles 9 et 10 reprennent des dispositions du projet de loi immigration sur la levée des protections des étrangers contre les expulsions et le contradictoire aménagé dans certains dossiers basée sur des renseignements de la DGSI. La décision que prendra le conseil constitutionnel la semaine prochaine pourra faire évoluer l’article. Le rapporteur propose également de prolonger jusqu’à 210 jours la rétention d’un étranger expulsé pour provocation ou apologie du terrorisme.
Le renforcement des délits
Après les multiples censures constitutionnelles des délits de consultation des sites terroristes ou du recel d’apologie du terrorisme créé par voie prétorienne, le rapporteur suggère de créer un nouveau délit. Serait puni de deux ans de prison « le fait de détenir ou d’enregistrer, sans motif légitime, des images ou représentations » de crimes « commis par des individus agissant en relation avec un janv. e entreprise terroriste », « lorsque cette détention s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion de l’auteur de ce fait aux crimes terroristes exhibés ».
L’article 12 créée une nouvelle circonstance aggravante au délit d’apologie ou de provocation à des actes de terrorisme lorsque les propos incriminés sont tenus par un ministre du culte. Le rapporteur veut également favoriser la caractérisation de la publicité des propos, dès lors qu’ils sont tenus sur une boucle privée WhatsApp ou Telegram.
Des dispositions au-delà du terrorisme
Le texte contient par ailleurs des dispositions sur les dissolutions administratives, pourtant profondément remanié par la récente loi séparatisme. Par amendement, le rapporteur propose de consacrer au niveau législatif la définition de la « provocation » justifiant la dissolution d’une association, en reprenant la jurisprudence dégagée par le Conseil d’État dans sa décision sur les Soulèvements de la Terre. Il veut également créer un régime de dévolution des biens des associations dissoutes.
L’article 6 modifie les règles d’autorisation des enquêteurs pour des achats de produits licites dans le cadre d’enquête sous pseudonyme. Suite à une décision du conseil constitutionnel (Cons. const. 19 janv. 2023, n° 2022-846 DC, AJDA 2023. 105
; D. 2023. 179 et les obs.
; AJCT 2023. 74, obs. C. Demunck
; AJ pénal 2023. 136, obs. T. Lebreton
), le rapporteur propose une autorisation judiciaire préalable pour l’ensemble des opérations effectuées sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites.
Enfin, par amendements, Marc-Philippe Daubresse propose que l’« inconduite notoire » soit un motif de retrait d’un sursis probatoire et d’un suivi socio-judiciaire et que la commission d’une nouvelle infraction puisse révoquer une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire.
© Lefebvre Dalloz