Une conversion après avoir quitté son pays d’origine ne rend pas la demande d’asile abusive

La Cour de justice de l’Union européenne juge qu’une demande d’asile fondée sur une conversion religieuse intervenue après que l’étranger a quitté son pays d’origine ne peut pas être automatiquement rejetée comme abusive.

M. JF., ressortissant iranien, a introduit en 2018 une demande de protection internationale en Autriche, qui a été rejetée. En 2019, il a introduit une demande ultérieure en faisant valoir qu’il s’était converti au christianisme et craignait, de ce fait, d’être persécuté dans son pays d’origine. Estimant que le risque de persécutions invoqué était apparu sur place et avait été créé par le demandeur de son propre fait, l’autorité compétente a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié. Saisie d’un renvoi préjudiciel, la Cour de justice précise les conditions dans lesquelles les États membres peuvent limiter, en vertu de l’article 5, § 3, de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, la reconnaissance d’un besoin de protection internationale résultant des activités menées par un ressortissant de pays tiers depuis son départ du pays d’origine.

Évaluation individuelle

La Cour observe que la question de savoir si les circonstances invoquées dans une demande ultérieure « relèvent d’une intention abusive et d’instrumentalisation de la procédure applicable exige une évaluation individuelle de cette demande au vu de l’ensemble des circonstances en cause ». Ainsi, la transposition de l’article 5, § 3, de la directive 2011/95/UE ne permet pas aux États membres « d’instaurer une présomption selon laquelle toute demande ultérieure fondée sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine procède a priori d’une intention abusive et d’instrumentalisation de la procédure d’octroi de la protection internationale ».

En l’espèce, à la suite d’une évaluation individuelle de la demande ultérieure introduite par M. JF., il a été constaté que l’intéressé avait démontré de manière crédible qu’il s’était converti « par conviction intérieure » au christianisme en Autriche et qu’il pratiquait activement cette religion, raison pour laquelle il courait le risque d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, à une persécution individuelle. Or, une telle constatation, si elle se révèle exacte, « est de nature à exclure l’existence d’une intention abusive et d’instrumentalisation, par ce demandeur, de la procédure applicable, susceptible de conduire l’autorité nationale compétente à refuser de lui reconnaître le statut de réfugié sur le fondement de l’article 5, § 3, de cette directive ». Si un tel demandeur remplit, par ailleurs, les conditions pour être qualifié de « réfugié », l’État membre doit lui reconnaître le statut de réfugié.

Bénéfice de la protection garantie par la Convention de Genève

En revanche, ajoute la Cour de justice, si une intention abusive et une instrumentalisation de la procédure sont constatées, la reconnaissance du statut de réfugié peut être refusée. Le demandeur conserve néanmoins dans cette hypothèse la qualité de réfugié au sens de la Convention de Genève. Dans un tel cas, l’intéressé doit bénéficier de la protection garantie par cette Convention qui interdit notamment l’expulsion et le refoulement aux frontières des territoires où sa vie, ou bien sa liberté, serait menacée en raison, notamment, de sa religion.

 

CJUE 29 févr. 2024, aff. C-222/22

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