Validité du testament international rédigé dans une langue non maîtrisée par le testateur : un « oui si » valant « oui mais non » ?
La loi uniforme sur la forme d’un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 permet qu’un testament soit écrit dans une langue non comprise du testateur dès lors que, dans ce cas, celui-ci est assisté par un interprète répondant aux conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée à instrumenter a été désignée.
Néanmoins, le droit français ne prévoit pas de telles conditions, sauf en matière de testament authentique. Il en résulte que seul un testament authentique rédigé postérieurement au 18 février 2015 avec le concours d’un interprète inscrit sur la liste des experts judiciaires d’une cour d’appel ou de la Cour de cassation pourrait, par équivalence des conditions, être déclaré valide en tant que testament international.
Peut-on tester dans une langue que l’on ne maîtrise pas ? Telle était la question à laquelle était confrontée l’assemblée plénière de la Cour de cassation dans cet arrêt rendu le 17 janvier 2025, décision qui constitue d’ores et déjà une référence incontournable en matière de formalisme testamentaire. La Cour y procède avec méthode à l’interprétation de la Convention de Washington du 26 octobre 1973 à propos du recours à un interprète pour l’élaboration d’un testament international.
Les faits de l’affaire sont déjà connus des observateurs du contentieux successoral. En 2002, une Italienne vivant en France mais ne maîtrisant pas le français avait dicté en italien son testament devant un notaire en présence de deux témoins et avec le concours d’une interprète. Au décès de la testatrice en 2015, son petit-fils avait contesté la validité de l’acte et assigné ses tantes légataires en nullité du testament au motif que le recours à un interprète n’était, à l’époque, pas autorisé en matière de testament authentique.
La Cour d’appel de Grenoble rejeta la demande et confirma la validité du testament au motif que s’il était effectivement nul en tant que testament authentique, il pouvait valoir testament international au sens de la loi la loi uniforme sur la forme d’un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 (Grenoble, 16 juin 2020, n° 18/04747). La méthode de la « conversion par réduction », devenue classique en la matière, permet en effet parfois de sauver le testament en le requalifiant. Le demandeur forma un pourvoi en cassation, selon le moyen que même les testaments en la forme internationale doivent être rédigés dans une langue que le testateur comprend. Dans un premier arrêt très remarqué, la première chambre civile de la Cour de cassation censura l’arrêt d’appel après avoir énoncé en attendu de principe que « s’il résulte de ces textes qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l’être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète » (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-21.068 FS-B, Dalloz actualité, 21 mars 2022, obs. F. Mélin ; D. 2022. 461
; ibid. 2063, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier
; AJ fam. 2022. 340, obs. N. Laurent-Bonne
; RTD civ. 2022. 441, obs. M. Grimaldi
; Dr. fam. 2022, n° 76, note M. Nicod ; JCP N 2022. Act. 365, note F. Hébert ; ibid. n° 40, 1235, chron. C. Nourissat, A. Devers, M. Devisme, E. Fongaro et H. Péroz ; JCP 2023. Doctr. 108, obs. R. Le Guidec ; Defrénois 2022, n° DEF209d0, note P. Callé ; IP 2022. 188, note E. Fongaro ; Gaz. Pal. 2022, n° 26, p. 56, note M. Gayet ; S. Godechot-Patris, SNH, n° 10, p. 17, spéc. §§ 15 s.).
Quoique la rigueur de la Cour ait été diversement appréciée, l’affaire semblait entendue. Cependant la Cour d’appel de Lyon, saisie après renvoi, résista et déclara le testament valable au terme d’un arrêt très remarqué (Lyon, 21 mars 2023, n° 22/02394, D. 2023. 2060, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier
; AJ fam. 2023. 412, obs. N. Levillain
; Dr. fam. 2023. Comm. 111, obs. A. Tani ; JCP N 2022. Act. 524, note F. Hébert ; Gaz. Pal. 2023, n° 26, p. 51, note A. Dupire ; Lexbase Hebdo 2023, n° A10279LM, obs. A.-L. Loné). Un nouveau pourvoi fut formé, que l’assemblée plénière examina au cours d’une audience publique le 13 décembre 2024.
C’est peu dire que l’arrêt rendu ce 17 janvier était très attendu. Nul doute qu’il alimentera, sans le clore, le débat sur le recours à l’interprétariat en matière de formalisme testamentaire. La forme de cette décision à motivation (très) enrichie est d’ailleurs remarquable. Elle est accompagnée de la publication de l’avis de l’avocat général, du rapport du conseiller rapporteur et d’un communiqué de presse, ce qui permet d’ores et déjà de la classer au rang des « grands arrêts » du droit des successions.
Sur le fond, la Cour renouvelle sa censure et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Chambéry, mais en assouplissant sa position de principe… du moins en apparence. En effet, à la question : « un testament international peut-il être rédigé dans une langue que le testateur ne maîtrise pas ? », la Cour répond « oui, si… », mais la portée exacte de sa décision est si floue et qu’elle ressemble beaucoup à un « non ».
Oui, …
Pour répondre à la question qui lui est posée, la Cour procède avec méthode à un travail d’interprétation en deux temps : exposer le sens possible des textes, puis choisir l’un d’eux. Elle assume ainsi pleinement son rôle de coauteur de la norme, privilégiant la souplesse à la protection et confirmant que l’interprétation est tout autant un acte de connaissance qu’un acte de volonté.
Tout d’abord, la Cour expose le contenu des textes qu’elle mentionne en visa : les articles 3, § 3 et 4, § 1, de loi uniforme sur la forme d’un testament international et l’article V.1 de la Convention de Washington du 26 octobre 1973. Le premier texte prévoit que « le testament international peut être écrit en une langue quelconque, à la main ou par un autre procédé » ; le deuxième que « le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu » ; et le troisième que « Les conditions requises pour être témoin d’un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée. Il en est de même à l’égard des interprètes éventuellement appelés à intervenir ».
Pour interpréter ce corpus, deux voies sont envisageables. La première privilégie la sécurité car il est impossible pour le testateur ne maîtrisant pas la langue de s’assurer personnellement que le contenu de l’acte correspond effectivement et précisément à sa volonté. La « loi uniforme, que les États parties ont seule l’obligation d’intégrer à leur droit interne, ne prévoit pas le recours à un interprète » (§ 9). Au soutien de cette position, la Cour cite sa propre jurisprudence, notamment le premier arrêt qu’elle avait rendu dans cette affaire (Civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-21.068, préc. ; 9 juin 2021, n° 19-21.770, Dalloz actualité, 24 juin 2021, obs. A. Tani ; D. 2021. 1905
, note B. Beignier
; ibid. 2064, obs. S. Godechot-Patris
; ibid. 2022. 915, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke
; AJ fam. 2021. 562, obs. N. Levillain
; 12 oct. 2022, n° 21-11.408, Dalloz actualité, 7 nov. 2022, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2022. 1806
; AJ fam. 2023. 59, obs. N. Levillain
; RTD civ. 2022. 949, obs. M. Grimaldi
). Il s’agit tout simplement de « subordonne[r] la validité du testament à la faculté pour le testateur d’en vérifier personnellement le contenu » (§ 11). D’ailleurs, « comment (…) le testateur peut-il affirmer que le document qu’il remet au notaire contient ses dernières volontés « et qu’il en connaît le contenu » (Loi uniforme, art. 4.1) s’il n’en peut comprendre le sens ? » (RTD civ. 2022. 441, obs. M. Grimaldi
). Il ne suffit pas « de sauvegarder la « volition » du testateur (ce qui a été exprimé), encore faut-il être sûr qu’elle respecte aussi sa « volonté » réelle (ce qui était voulu) » (Dr. fam. 2023. Comm. 111, obs. A. Tani, préc.).
La seconde interprétation possible est moins rigoureuse. Elle « tire de l’article V.1 de la Convention la possibilité d’avoir recours à un interprète dans les conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée » (§ 12). Après avoir mis en évidence les avantages d’une telle interprétation (sécurité juridique garantie ; application harmonisée des règles au sein des États signataires ; § 13), la Cour de cassation la fait rapidement sienne : « Il convient désormais de retenir cette seconde interprétation et de juger que la loi uniforme permet qu’un testament soit écrit dans une langue non comprise du testateur (…) » (§ 14).
On pourrait discuter des soi-disant avantages de cette interprétation libérale. Elle ne garantit pas en elle-même la sécurité juridique entendue comme stabilité de la norme puisqu’elle dépend, nous le verrons, des conditions posées par la loi interne. La suite de l’arrêt témoignera d’ailleurs qu’une même situation recevra un traitement différencié selon que le testament aura été rédigé avant ou après le 18 février 2015. De même, cette interprétation n’assure pas vraiment une application harmonisée de la Convention : non seulement il n’est pas certain que les autres États signataires retiendront la même interprétation, mais de surcroît chacun d’eux est libre d’établir ses propres conditions d’application.
En outre, cette interprétation n’est pas la seule à permettre à l’article V.1 de la Convention de Washington (qui évoque l’intervention des interprètes) de produire effet. Ce texte pourrait aussi être lu comme désignant la situation dans laquelle le testateur aurait rédigé son testament dans une langue qu’il maîtrise puis l’aurait remis, avec l’aide d’un interprète, à une personne habilitée ne maîtrisant pas cette langue. Ainsi d’un portugais qui aurait rédigé son testament en portugais et l’aurait remis à un notaire français en recourant à un interprète pour faciliter les échanges verbaux. Pour cette même raison, on ne peut considérer que la position qu’avait retenu la Cour en 2022 est discriminatoire comme l’évoque l’avocat général dans son avis. En effet, les résidents étrangers ne maîtrisant pas la langue de leur pays de résidence ne sont pas empêchés de tester en la forme internationale. Bien au contraire, la Convention de Washington leur permet de rédiger eux-mêmes leur testament dans leur langue maternelle ou toute autre langue qu’ils maîtrisent même si cette langue n’est pas celle de la personne habilitée à instrumenter.
Il n’en demeure pas moins que l’approche souple ici retenue par la Cour de cassation a de nombreux mérites, dont celui de permettre à des dispositions de dernière volonté de prendre pleinement effet malgré la barrière de la langue. Elle paraît conforme à la volonté des auteurs de la Convention de Washington (D. 2022. 2063, obs. S. Godechot-Patris et D. Grare-Didier
, évoquant le rapport explicatif sur la Convention). Certes, elle expose au risque que le contenu du testament ne corresponde pas à la volonté exacte du testateur. Cependant le risque est ici très maîtrisé car la liberté est soumise à condition. Le « oui » ne va pas sans le « si ».
… si
La Cour de cassation adopte une position plus libérale que par le passé mais reste très prudente, au risque de manquer de clarté et de se contredire elle-même. Elle précise en effet que la loi uniforme permet qu’un testament soit écrit dans une langue non comprise du testateur « dès lors que, dans ce cas, celui-ci est assisté par un interprète répondant aux conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée à instrumenter a été désignée ».
Ainsi le recours à l’interprète est-il possible uniquement si les conditions exigées par la loi interne sont respectées. Cela suppose que l’État signataire ait effectivement posé de telles conditions, ce qui revient à dire que si le droit national ne prévoit rien, il est impossible de tester dans une langue non maîtrisée. Cette analyse est discutable. Il a pu être noté que l’article V.1 de la Convention, évoque les seules conditions requises pour être interprète, non les conditions requises pour le recours à un interprète (D. 2022. 2063, obs. S. Godechot-Patris et D. Grare-Didier). Il a aussi été remarqué que « si le législateur ne prévoit pas de conditions, cela peut tout aussi bien signifier que l’intervention d’un interprète soit possible sans conditions particulières ou encore que le notaire puisse lui-même servir d’interprète (plutôt en ce sens : S. Godechot-Patris, État des lieux sur le testament international et ses applications jurisprudentielles : Sol. Not. Hebdo, n° 10, p. 17) » (F. Hébert, JCP N 2023. Act. 524).
Quoi qu’il en soit, la question se précise alors : le droit français contient-il des dispositions encadrant le recours à un interprète ? Dans la seconde partie de l’arrêt, la Cour de cassation part en quête de telles dispositions et sa recherche aboutit à deux constats.
Premièrement, la loi n° 94-337 du 29 avril 1994 qui désigne les notaires ainsi que les agents diplomatiques et consulaires comme personnes habilitées à instrumenter en matière de testament international sur le territoire de la République française ne prévoit aucune disposition s’agissant de l’interprétariat (§ 16). Cela n’est pas surprenant dans la mesure où la Convention de Washington n’oblige pas les États à prévoir de telles dispositions (§ 15). La Cour en déduit que ce silence doit s’interpréter comme ne permettant pas le recours à un interprète (§ 17), notamment car en 1994 la jurisprudence était hostile à ce qu’un testament authentique puisse être établi par le truchement d’un acte authentique (§ 18). À ce stade, le lecteur peut légitimement éprouver le sentiment d’être retourné au point de départ : le recours à l’interprète est impossible car même si la Convention de Washington ne l’interdit pas, le droit national ne l’autorise pas expressément.
Pourtant, dans la toute dernière partie de l’arrêt, la Cour de cassation dresse un autre constat. Elle rappelle que la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a assoupli le formalisme du testament authentique pour permettre, lorsque le testateur ne peut s’exprimer en langue française, que la dictée et la lecture du testament puissent être accomplies par un interprète. L’alinéa 4 de l’article 972 conditionne le recours à l’interprète au fait qu’il soit choisi par le testateur sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d’appel. En conséquence, « seul un testament authentique recueilli avec le concours d’un tel expert, postérieurement à l’entrée en vigueur de ce texte, intervenue le 18 février 2015, pourrait, par équivalence des conditions, être déclaré valide en tant que testament international » (§ 19). Tel n’était nullement le cas dans l’espèce, le testament étant d’ailleurs bien antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 16 février 2015.
… mais non ?
Cette longue épopée jurisprudentielle touche-t-elle à sa fin ? Il est permis de croire que, loin d’épuiser le débat, l’arrêt du 17 janvier 2025 en attisera les braises. De nouvelles questions sont en effet soulevées par cette position qui se veut nuancée et qui essuiera peut-être une nouvelle salve de critiques. On peut par exemple reprocher à la Cour de cassation de manquer de hauteur de vue et de cantonner son analyse à des formes spécifiques de testaments (authentique et international) alors que la question touche plus fondamentalement l’expression de la volonté mortis causa, donc au « droit commun » du testament. La question s’était également posée s’agissant du testament olographe et la jurisprudence exigeant que la langue soit maîtrisée par le testateur (Civ. 1re, 9 juin 2021, n° 19-21.770, préc.) ne semble nullement brisée puisque la Cour ne procède ici qu’à l’interprétation des dispositions régissant le testament international. À moins, d’admettre, là aussi, l’équivalence des conditions.
Il est surtout à craindre que le « oui si » ne dissimule un « oui mais non ». En effet, la portée exacte de l’arrêt rendu ce 17 janvier 2025 demeure à préciser. En réalité, la Cour ne répond pas clairement à la question de savoir si, en droit français, il est possible de tester en la former internationale dans une langue non maîtrisée. D’un côté elle paraît l’admettre puisque la Convention de Washington ne l’interdit pas. D’un autre côté, elle semble le refuser puisque la loi du 29 avril 1994 ne l’autorise pas et que la loi du 16 février 2015 ne concerne que les testaments authentiques. Ce qui est certain en revanche, c’est que la Cour de cassation admet désormais la conversion par réduction d’un testament authentique rédigé dans une langue non maîtrisée par le testateur. Cependant deux remarques s’imposent.
D’une part, la Cour semble cantonner la validité d’un testament rédigé dans une langue non maîtrisée à cette seule hypothèse de conversion par réduction d’un testament authentique. Elle n’énonce en effet nulle part que le testament international peut être rédigé dans une langue non maîtrisée. Au contraire, elle indique que « seul un testament authentique » (§ 19) respectueux de l’alinéa 4 de l’article 972 du code civil pourra bénéficier d’un sauvetage sous forme de conversion par réduction en testament international. Il semble donc nécessaire que l’acte litigieux se présente de prime abord comme un testament authentique, qu’il soit « pré-qualifié » comme tel. Qu’en est-il de la situation dans laquelle un testateur souhaite directement tester en la forme internationale dans une langue non maîtrisée ? À s’en tenir aux enseignements de l’arrêt, le testament serait nul même en ayant recours à un interprète assermenté puisque le droit français ne prévoit aucune disposition relative aux interprètes pour les testaments en la forme internationale. À moins de lire entre les lignes et de séparer minutieusement conversion par réduction et équivalence des conditions. Ici, la Cour de cassation les envisage de concert, ce qui brouille son message, mais il s’agit en réalité de deux procédés différents. La conversion par réduction peut sauver un testament authentique en le requalifiant en testament international alors que l’équivalence des conditions permet de sauver un testament international en empruntant le régime juridique des testaments authentiques. À s’en tenir à cette dernière méthode, un testament international rédigé dans une langue non maîtrisée serait valable si les conditions posées à l’alinéa 4 de l’article 972 étaient respectées.
D’autre part, les cas de sauvetage par conversion par réduction sont réduits à peau de chagrin. Non seulement il faut que l’acte se présente initialement comme un testament authentique, mais encore faut-il qu’il ait été rédigé après le 18 février 2015 (puisque la réforme de 2015 n’est pas rétroactive, Civ. 1re, 12 juin 2018, nos 17-14.461 et 17-14.554, RTD civ. 2018. 721, obs. Michel Grimaldi
) et que l’interprète soit assermenté. En l’espèce, aucune de ces deux dernières conditions n’avait été respectée, ce qui rend impossible la conversion par réduction. Or, c’est précisément pour ces raisons que l’acte n’était pas valable en tant que testament authentique ! Ainsi la position de la Cour donne-t-elle quelque peu la sensation de tourner en rond. En effet, si en l’espèce le testament avait été rédigé après le 18 février 2015 avec l’aide d’un interprète inscrit sur la liste des experts, il n’aurait pas été nécessaire de le sauver au moyen de sa conversion en testament international puisqu’il aurait été pleinement valable en tant que testament authentique…
On le voit, la mise en œuvre, en France, de la nouvelle interprétation résultant de cet arrêt n’est pas encore très claire. Le rôle de l’interprète reste d’ailleurs à préciser. C’est une chose d’admettre son intervention s’il reste dans un rôle d’intermédiaire au cours d’une discussion orale. C’en est une autre d’accepter par exemple qu’il aide le testateur à rédiger ou encore rédige lui-même le testament dans une langue que le testateur ne maîtrise pas. Un interprète n’est pas un traducteur juridique, et encore moins un notaire.
Les précisions nécessaires mériteraient bien une loi. La question est trop importante et délicate pour laisser la Cour de cassation se dépêtrer seule dans le maquis des dits et non-dits du droit écrit français. Une microchirurgie législative pourrait suffire et un énoncé en forme de « non, sauf » serait peut-être plus opportun qu’un « oui, si » confinant au « non ». Il pourrait être envisagé, par exemple, d’énoncer un nouveau principe général applicable à tous les testaments : « Nul ne peut tester dans une langue qu’il ne maîtrise pas, sauf si l’acte est rédigé par un notaire et avec l’assistance d’un interprète assermenté ».
Cass., ass. plén., 17 janv. 2025, B+R, n° 23-18.823
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