Violences commises par un ancien concubin : précisions sur cette circonstance aggravante

Dès lors que les juges du fond constatent que des faits de violences se rapportent à la prise en charge de l’enfant commun d’un ancien couple, il en résulte qu’ils ont été commis en raison de l’ancienne relation de couple des intéressés.

En l’espèce, le parquet a poursuivi un individu du chef de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours avec la circonstance qu’il a été le concubin de la victime, en récidive. Cette circonstance aggravante d’ancien concubin n’a pas été retenue par le tribunal correctionnel qui a requalifié les faits en violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours. Sur appel du ministère public, la cour d’appel a confirmé le jugement des premiers juges. La mise à l’écart de la circonstance aggravante était nourrie par le fait que les violences n’étaient pas en lien avec l’ancienne relation de concubinage mais étaient motivées par le sort de l’enfant commun des deux ex-concubins. Les juges du fond développaient cet argument en ajoutant que les faits étaient très proches d’une tentative infructueuse de soustraction d’enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou chez qui l’enfant a sa résidence habituelle.

Dans son pourvoi en cassation, le procureur général maintient qu’il y avait lieu, en l’espèce, de retenir la circonstance aggravante d’ancien concubin. À ce titre, dans un moyen unique, le requérant souligne que les violences ont été commises dans le contexte d’un différend relatif à l’exercice du droit de visite et d’hébergement dont le juge aux affaires familiales était saisi. En outre, il est fait grief aux juges du fond de ne pas avoir précisé dans quelle mesure ces violences n’avaient pas de lien avec l’ancienne relation de couple entre l’auteur et la victime. Pour le procureur général, l’approche retenue par les juges du fond méconnaît les articles 222-13 et 132-80 du code pénal, étant précisé que ladite circonstance est réputée constituée lorsque l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur et la victime, ce qui était le cas en l’espèce.

La Cour de cassation abonde en ce sens et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel. Au visa de l’article 132-80, alinéa 2, du code pénal, elle rappelle que la commission d’une infraction par l’ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité constitue une circonstance aggravante, dès lors que cette infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime. Elle en déduit, en l’espèce, que puisque les faits de violences se rapportent à la prise en charge de l’enfant commun, c’est qu’ils ont été commis en raison de l’ancienne relation de couple des intéressés.

Les éléments de contexte entraînant la caractérisation de la circonstance aggravante

Dans sa motivation, la chambre criminelle établit un lien de cause à effet entre l’origine du conflit entre la victime et l’auteur des violences et leur ancienne relation de couple. Les hauts magistrats énoncent en effet que, dans la mesure où la cour d’appel a constaté que les faits étaient liés à la prise en charge de leur enfant commun, il en résultait qu’ils avaient été commis en raison de l’ancienne relation de couple. Cette approche correspond à la ligne déjà tracée par la jurisprudence au sujet de la caractérisation de la circonstance aggravante d’« ex ». En effet, il est clair que lorsque rien ne permet d’affirmer que les coups ont été motivés par une ancienne relation de concubinage, cette circonstance aggravante ne peut pas être retenue (Toulouse, 8 sept. 2008, n° 07/00566). En revanche, elle ne peut pas être écartée au motif qu’il n’est pas établi avec certitude, compte tenu du délai écoulé depuis la séparation du prévenu et de la victime, que les violences, objet de la poursuite, sont en lien avec l’ancienne relation de couple alors qu’elles sont commises à l’occasion de la remise au prévenu des enfants communs du couple, et alors que la victime se plaignait du retard dans le paiement de la pension alimentaire (Crim. 7 avr. 2009, n° 08-87.480 P, Dalloz actualité, 20 mai 2009, obs. A. Darsonville ; D. 2009. 2825, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; AJ pénal 2009. 313, obs. C. Duparc ; RSC 2009. 593, obs. Y. Mayaud ; RTD civ. 2010. 84, obs. J. Hauser ).

Une approche extensive de la circonstance aggravante d’« ex »

Tout en s’inscrivant dans une veine jurisprudentielle déjà engagée, cet arrêt semble être le signe d’une approche encore plus extensive de la circonstance d’« ex », et ce dès lors que les faits sont commis en raison du sort de l’enfant commun des anciens concubins. En effet, et l’arrêt est muet sur la question, peu importe, semble-t-il, le délai écoulé depuis la rupture du couple. La séparation si lointaine soit-elle ne semble donc pas pouvoir neutraliser ni même réduire la conjugalité des faits, dès lors que les violences sont en lien avec un conflit relatif à la prise en charge de l’enfant commun (P. Bonfils et E. Vergès, RSC 2007. Chron. législ. 337  ; S. Revel, Poursuites pénales sous la qualification d’« ex » : quelle défense ?, AJ pénal 2010. 70  ; M.-F. Vieville-Miravete, La circonstance aggravante d’« ex » en matière de violences au sein du couple, Dr. pénal 2009, étude n° 4).

 

Crim. 2 mai 2024, FS-B, n° 23-85.986

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