Visite de reprise à la suite d’un arrêt de travail : l’initiative incombe à l’employeur

« L’initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l’employeur, dès que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier de cet examen, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu’il y soit procédé ».

Un salarié ayant bénéficié de différents arrêts de travail pour maladie a demandé à son employeur d’organiser une visite de reprise, après l’avoir informé de la date de la fin de l’arrêt de travail.

L’employeur n’ayant pas saisi le service de santé au travail, le salarié a demandé la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Cette demande a été rejetée par les juges du fond, au motif que si le salarié avait sollicité de l’employeur l’organisation de la visite de reprise, il n’avait pas manifesté sa volonté de reprendre le travail, alors pourtant que l’employeur lui avait demandé de reprendre préalablement son emploi.

La décision d’appel est cassée par l’arrêt de la chambre sociale du 3 juillet 2024 (SSL 2024, n° 2100, p. 23, obs. C. Pietralunga) rendu en application de l’article R 4624-31 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, qui énonce notamment que le travailleur bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel et qui ajoute que « dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise ».

Cette cassation était inévitable compte tenu de la jurisprudence habituelle, que cet arrêt du 3 juillet 2024 vient confirmer.

Il a en effet été jugé que lorsque le salarié a manifesté le désir de reprendre le travail, il appartient à l’employeur de mettre en œuvre la procédure en vue de solliciter l’avis du médecin du travail sur son aptitude à la reprise (Soc. 28 juin 2006, n° 04-47.746) et que l’employeur doit prendre les dispositions nécessaires pour que soit assurée la visite médicale de reprise (Soc. 26 janv. 2005, n° 03-40.893, Dr. soc. 2005. 546, note J. Savatier ). Il y a dès lors lieu de retenir que « l’initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l’employeur dès que le salarié, qui remplit les conditions pour en bénéficier, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu’il y soit procédé » (Soc. 28 oct. 2009, n° 08-43.251, D. 2009. 2754 ; RJS 1/2010, n° 27 ; 6 janv. 2021, n° 19-19.277), sans qu’il soit possible à l’employeur d’exiger un retour préalable du salarié dans l’entreprise (Soc. 24 avr. 2013, n° 12-15.595), étant précisé que le salarié qui, à l’issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération (Soc. 24 janv. 2024, n° 22-18.437).

Il est toutefois admis que pour pallier l’inertie de l’employeur, le salarié peut solliciter la visite de reprise, soit auprès de celui-ci, soit auprès du médecin du travail en avertissant au préalable l’employeur de cette demande, étant relevé qu’à défaut d’un tel avertissement, l’examen ne constitue pas une visite de reprise opposable à l’employeur (Soc. 7 janv. 2015, n° 13-20.126, RDT 2015. 409, obs. M. Véricel ; v. égal., Soc. 4 févr. 2009, n° 07-44.498, Dalloz actualité, 18 févr. 2009, obs. L. Perrin ; D. 2009. 2128, obs. J. Pélissier, T. Aubert, M.-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, B. Lardy-Pélissier et B. Reynès ; Dr. soc. 2009. 616, obs. J. Savatier ; RJS 4/2009, n° 333).

Sous réserve de ce dernier principe permettant au salarié d’engager le processus, il y a lieu de considérer que l’employeur qui ne prend pas l’initiative de saisir le médecin du travail ne respecte pas l’obligation de sécurité qui lui incombe (Soc. 24 avr. 2013, n° 12-15.595, préc.). Dès lors, en fonction des circonstances de chaque affaire, il peut être admis que si l’employeur ne respecte pas son obligation, le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de celui-ci (Soc. 16 juin 2009, n° 08-41.519, RDT 2010. 30, obs. M. Véricel ; RJS 8-9/2009, n° 706 ; 27 sept. 2017, n° 15-27.764) ou encore demander que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat (Soc. 28 oct. 2009, n° 08-43.251, préc.).

Ces quelques éléments relatifs à la jurisprudence permettent d’expliquer la cassation prononcée par l’arrêt du 3 juillet 2024.

Dès lors que le salarié avait informé l’employeur de la date de fin de son arrêt de travail et lui avait demandé, par deux fois, d’organiser la visite de reprise, l’employeur ne pouvait pas lui demander de reprendre son travail, contrairement à ce qu’avaient admis les juges du fond.

La cassation s’imposait donc, l’arrêt du 3 juillet 2024 reprenant, presque mot pour mot, par la formule reproduite en tête de ces observations, le principe jurisprudentiel rappelé ci-dessus (issu des arrêts préc. des 28 oct. 2009 et 6 janv. 2021). La solution s’impose avec d’autant plus d’évidence que seule la visite de reprise pouvait mettre fin à la suspension du contrat de travail résultant de l’arrêt de travail pour maladie (Soc. 25 janv. 2011, n° 09-42.766, D. 2011. 453 ; RJS 4/2011, n° 314).

Deux dernières remarques peuvent être formulées.

D’une part, l’arrêt n’évoque pas, au regard des circonstances de l’espèce, le fait que le salarié s’était tenu à la disposition de l’employeur. On peut supposer que cette condition n’était donc pas discutée.

D’autre part, l’arrêt a été prononcé en application des dispositions de l’article R 4624-31 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, rédaction en vigueur du 1er janvier 2017 au 31 mars 2022. La solution qu’il retient aurait été la même si cet article avait été applicable dans sa rédaction issue du décret n° 2022-372 du 16 mars 2022 (en vigueur du 31 mars 2022 au 28 avr. 2022) ou dans sa rédaction issue du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022 (en vigueur depuis le 28 avr. 2022), rédactions qui prévoient une visite de reprise en cas d’absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel, et non plus d’au moins 30 jours comme précédemment.

 

Soc. 3 juill. 2024, F-B, n° 23-13.784

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